Prononcez-vous bien le mot tome?

1 octobre 2021 | Par Gabriel Martin | Linguistique, vol. 19, no 5

Comment faut-il prononcer le mot tome? Cette interrogation a surgi dans l’émission radio-canadienne Plus on est de fous, plus on lit du 17 juin dernier après qu’un invité a été dérouté par l’usage de l’animatrice Marie-Louise Arsenault, qui prononçait tome de la même manière que le prénom Tom. La question n’est pas nouvelle : faut-il prononcer ce mot avec un o ouvert (à la manière de l’animatrice) ou bien avec un o fermé (comme dans atome)?

Même les initiés capables de lire l’alphabet phonétique pourront être bien embarrassés par la confusion qui règne dans les sources de référence. Les principaux dictionnaires québécois ne s’entendent pas même entre eux : le Multidictionnaire indique qu’il faut prononcer tome avec un o ouvert, alors que le dictionnaire Usito consigne uniquement la prononciation avec un o fermé. Que conclure, sinon qu’il y a ambivalence?

Une observation attentive de la langue réellement en usage aide à s’y retrouver. Dans les faits, les deux manières de prononcer tome coexistent en français québécois. Cela dit, la prononciation qui rime avec atome est beaucoup plus fréquente au Québec que celle homonyme à Tom, cette dernière étant restreinte à quelques cercles qui s’alignent sur une certaine norme européenne.

Alors, quelle est la bonne prononciation? À vrai dire, aucune manière de parler n’est meilleure qu’une autre par essence. Il n’existe donc ni bonne ni mauvaise prononciation dans l’absolu. Ce constat, pour vrai qu’il soit, serait toutefois incomplet si on passait sous silence le caractère profondément social de la langue, qui génère et assigne plus ou moins arbitrairement des valeurs d’appréciation aux diverses manières de parler. Or, le français québécois, à titre de variété de langue, comprend ses propres conventions sociales, implicites ou explicites, et quiconque ne les respecte pas s’expose à des jugements de valeur.

Ainsi, au Québec, la prononciation de tome comme Tom est perçue par quelques personnes comme chic et élégante, mais elle prête plus souvent le flanc à la critique. La personne qui l’emploie, à moins de provenir d’une autre aire de la francophonie, risque en effet d’être perçue comme étrange, artificielle, snobe, fautive, voire colonisée, tant de qualifiants peu flatteurs qui reflètent que certaines prononciations européanisantes passent mal dans la population québécoise.

À l’inverse, la personne qui prononce tome comme dans atome n’attirera généralement pas l’attention. Cette manière de parler est répandue et passepartout au Québec. Son emploi, que je recommande, favorise une image d’accessibilité et de naturel, en plus d’éliminer l’éventuelle distraction qui parasiterait autrement la communication. Ainsi, les gens qui font rimer tome avec atome sont loin de mal parler. Bien au contraire, ils sont tout à fait au diapason de la norme québécoise implicite.

La chronique linguistique du Journal de rue de l’Estrie livre des informations inédites sur la langue française, notamment sur les particularités du français québécois. Vous pouvez courrieller vos questions et commentaires à son auteur au infos@jdrestrie.ca.

Gabriel Martin, linguiste

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