Fortnite : le vrai combat!
Dans le dernier numéro du Journal de rue (décembre -janvier), notre chroniqueur Loïc Brurat a rédigé un article intitulé Fortnite ou banaliser un phénomène de masse. Phénomène de masse dites-vous? Loin d’être banal, le recours collectif intenté contre Epic Games, le concepteur du jeu, est plutôt une alerte rouge aux parents concernés : votre enfant est accroc à Fortnite et c’est voulu! En réaction à l’article de Loïc, j’avais envie d’aller en « terrain de jeu » où, en toute transparence, une maman et son fils nous témoignent de l’impact de Fortnite sur leur vie.
D’abord, il y a Alex, parachuté dans l’univers fantastique de Fortnite depuis bientôt deux ans. Comme les autres joueurs, il est un guerrier avide de victoire. Être le dernier survivant de Battle Royale est un combat stimulant qui le fait décrocher du quotidien. Puis, il y a Katy, sa mère, qui mène une autre bataille : tenter d’encadrer son fils et de le responsabiliser face au jeu.
Le gamer : Alex
JdeR : Alex, qu’est-ce qui te passionne autant dans Fortnite?
Alex : L’adrénaline est toujours à fond, c’est un jeu vraiment sick! On se shoot dessus et ça défoule. Avec les V-Bucks, la monnaie d’échange du jeu, on s’achète des skins (personnages), des outils et des danses. Ça me permet aussi de rester en contact avec mes amis et de m’en faire des nouveaux. Je joue parfois avec un gars de la Floride et j’en profite pour pratiquer mon anglais.
JdeR : Dans son article, Loïc mentionne qu’une proportion importante de joueurs déboursent près de 85 $ US par mois en contenu de jeu. Cela t’étonne-t-il?
Alex : Oui et non. Ça fait beaucoup d’argent, c’est sûr. Mais comme il y a tout le temps de nouveaux items, c’est facile de dépenser quand on a les moyens. On nous présente parfois des skins vraiment rares ou des packs avantageux. Il ne faut pas rater le deal parce que la boutique en ligne se renouvelle toutes les 24 heures. Et plus nos skins sont rares, plus on paraît hot et puissant. On se fait respecter davantage et tout le monde veut jouer avec nous.
JdeR : Selon Loïc, les parents devraient s’intéresser au jeu pour mieux comprendre. Est-ce le cas de ta mère?
Alex : Ça l’amuse de voir les skins et les danses que je possède, mais c’est tout. Elle trouve que Fortnite manque de défis et d’aventures. À mon avis, c’est parce qu’elle ne connaît pas le jeu. Ce qui la préoccupe surtout, c’est de contrôler le temps que je passe à jouer et l’argent que j’y dépense.
JdeR : Loïc déclare avoir passé, en quatre ans, l’équivalent de 370 jours d’école devant l’un de ses jeux vidéo favoris. Même si cela lui permettait à l’époque de fuir des réalités difficiles, il s’aperçoit aujourd’hui qu’une partie de sa vie s’est effacée devant sa console de jeu. Depuis un an, Loïc travaille à essuyer ses regrets et à rattraper un peu de temps perdu. Que penses-tu de son témoignage?
Alex : Il a passé une année sur quatre à jouer? C’est énorme! Je n’ai jamais fait le calcul de mon côté, mais je pense qu’un enfant a bien le droit de s’amuser. Parfois, j’arrête de jouer par moi-même, sans que ma mère me le demande. Mais souvent, je suis trop absorbé par le jeu. Il arrive que ma mère débranche ma console ou m’interdise de jouer sinon je ne m’arrêterais pas. Le jeu nous amène dans un autre monde; il nous fait décrocher de la réalité et oublier nos problèmes. Le temps passe et on ne s’en rend pas compte.
Le contrôle parental : Katy
JdeR : À la lumière de l’article de Loïc, comment percevez-vous Fortnite?
Katy : Je suis outrée de constater qu’un jeu gratuit soit aussi lucratif pour son concepteur. Epic Games est rusé d’attirer autant d’enfants vulnérables et de les pousser à consommer des produits qui, en fait, n’améliorent pas concrètement leurs conditions de jeu. On mise beaucoup sur l’apparence, le look et je trouve ça superficiel.
JdeR : Loïc propose de faire de la charge financière imposée par le jeu une occasion d’apprentissage pour l’enfant afin de gérer ses dépenses et connaître la valeur de l’argent. Préconisez-vous cette approche?
Katy : Bien entendu, mais ce n’est pas toujours évident. Alex achète ses V-Bucks avec son propre argent. Le problème, c’est qu’il ne sait pas contrôler ses impulsions d’achat. En trois semaines, il a dépensé plus de 200 $.
JdeR : Loïc traite de maux psychologiques causés par ce jeu. Lui donnez-vous raison?
Katy : Assurément. Depuis qu’il joue, Alex a délaissé des activités qu’il aimait auparavant. Il a moins d’entrain, de créativité et il est davantage angoissé. Notre relation s’en ressent, car nos discussions sont parfois houleuses.
JdeR : Qu’entrevoyez-vous pour l’avenir?
Katy : Je crains qu’il soit incapable de contrôler son temps de jeu lorsqu’il quittera le nid familial. Alex est un garçon brillant et bourré de talents. S’il gâche sa vie pour un jeu, j’aurai échoué comme parent. Être un modèle à la fois cool, mais pas trop permissif et vouloir responsabiliser son jeune tout en demeurant le gardien du phare est une tâche ardue. J’essaie donc de favoriser le dialogue à ce sujet.
Drogue, alcool, cigarette ou jeu, lequel est le plus nocif? À mon avis, la question ne se pose pas. Lorsqu’il s’agit de dépendance, on parle d’impacts sur la santé humaine. Il faut cesser de faire l’autruche, le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Attention, fraudeurs en ligne !
Protégez vos enfants contre les fraudeurs qui sévissent dans les jeux vidéo en ligne. Ces malfaiteurs demandent les mots de passe des comptes de jeunes utilisateurs pour leur voler de l’argent. Ils arrivent à convaincre leurs jeunes victimes en promettant de leur donner des items rares en passant directement par leur compte. Prévenez vos jeunes joueurs de ne JAMAIS divulguer d’information personnelle, même s’il s’agit d’un nouvel ami qui semble tout à fait honnête.