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vol. 18, no 6

La pauvreté : une expérience douloureuse remplie d’humanité

1 décembre 2020 | Par Véronique Lemay | vol. 18, no 6

Je vous livre aujourd’hui un témoignage sur la pauvreté. Non pas pour vous parler des difficultés financières ou à quel point les chèques des bénéficiaires de l’aide sociale devraient être augmentés, ce que je défends ardemment, mais pour vous parler des difficultés psychologiques et émotionnelles qu’on vit dans la pauvreté et, aussi, des apprentissages qu’on fait en tant qu’humain, des qualités de cœur qu’on développe et des valeurs qu’on découvre. 

Premièrement, il faut savoir que si une personne se retrouve dans la pauvreté, ce n’est jamais par choix, ce sont souvent des difficultés diverses qui l’ont menée à la dégradation de ses conditions de vie, telles des problèmes de santé mentale, une perte d’emploi, des difficultés familiales, des difficultés psychologiques et émotionnelles ou bien d’autres. La difficulté première que j’ai rencontrée en me trouvant en situation de pauvreté, c’est l’auto-stigmatisation. Cela signifie que les préjugés que la société entretient envers les personnes pauvres, nous les rejetons sur nous. Cela affecte notre estime de soi, notre capacité à entrer en relation et peut nous maintenir dans la peur de chercher un emploi ou un logement pour ne pas avoir à dévoiler notre situation. La pauvreté est une véritable souffrance qui nous enlise dans des pensées anxiogènes. Plus on maintient la personne dans cette situation, plus il lui sera difficile de s’en sortir.   

Le moyen que j’ai trouvé de contrer cette tendance à l’isolement est de rencontrer des pairs, d’autres personnes pauvres. Pour moi, la rencontre avec mes pairs a été déterminante dans ma vie et m’a amenée à entrer en relation avec mon humanité. Si le monde est une tarte et que les personnes aisées ont 99% de la tarte et que les personnes pauvres ne bénéficient que de 1% de la tarte et bien, j’ai vu des personnes pauvres se partager entre elles le peu de tarte qu’elles ont. La relation avec mes pairs a été enrichissante car elle faite de soutien mutuel. De plus, comme la société ne reconnaît pas les personnes pauvres, la solitude porte à l’intériorisation, à l’introspection. J’ai pris la route de la connaissance de moi et de l’intériorisation de mes souffrances. J’y ai puisé des ressources intérieures où j’ai développé ma débrouillardise et le respect de soi.  

Dans la pauvreté, on doit s’organiser avec peu. Je viens d’une famille aisée et quand je me suis retrouvée sur l’aide sociale, j’ai été bien démunie. Mes pairs m’ont appris l’organisation de la vie quotidienne avec peu de moyens et j’ai été impressionnée par l’intelligence organisationnelle des personnes pauvres. Ils font, pour citer Fred Pellerin : «un bon bout avec un dix». Finalement, je terminerai en disant qu’il devrait y avoir une prise de parole des personnes pauvres afin de sensibiliser la société à leur réalité et lui permettre de découvrir des trésors d’humanité. 

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