PAJ-SM, une façon différente de protéger la société
D’abord lancé en juin 2017 comme projet pilote pour une durée de quinze mois, le programme d’accompagnement en justice et santé mentale (PAJ-SM) vient d’être adopté de façon pérenne à Sherbrooke.
Un grand changement est en cours dans notre système de justice par le biais du programme d’accompagnement en justice et santé mentale (PAJ-SM). L’objectif visé est de réduire les complications judiciaires pour les individus ayant des troubles de santé mentale ou de dépendances et qui commettent des infractions mineures résultant en une alternance entre la rue et la détention.
Le PAJ-SM, déjà actif à Montréal depuis quelques années, a été mis sur pied il y a moins d’un an et demi à Sherbrooke. C’est grâce à un comité de réflexion formé d’avocats des deux parties (de la défense et de procureurs de la Couronne), de deux juges, d’un coordonnateur au CISSS-IUGS volet santé mentale et dépendances et du Service de Police de Sherbrooke que le PAJ-SM a pu être instauré. En quinze mois de mise en œuvre, 9 dossiers ont été complétés avec succès et 10 autres sont en cours. Le projet pilote est un succès.
L’approche du PAJ-SM est différente en ce sens qu’elle ne cherche pas simplement à punir l’individu pour une infraction commise, mais plutôt à l’aider afin de réduire les risques de récidives. En d’autres mots, le programme vise à éviter que la personne se retrouve régulièrement devant la cour et soit incarcérée à répétition pour de courtes périodes. C’est un programme davantage orienté vers le rétablissement de la personne.
Le PAJ-SM tient donc compte des problèmes de santé mentale et de dépendance aux drogues que peut présenter la personne, ou encore de sa situation de pauvreté ou de ses capacités cognitives limitées. Tous ces facteurs peuvent mener une personne à commettre des infractions.
Processus et critères d’admissibilité
Le programme fonctionne ainsi : l’individu ayant une problématique de santé mentale et qui a commis une infraction criminelle sommaire (un vol, par exemple) est référé, avec son accord, au PAJ-SM par l’avocat de la défense et le procureur aux poursuites criminelles. L’intervenant du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels prend contact avec la victime pour lui expliquer la démarche, tandis qu’une intervenante du CISSS-IUGS rencontre le contrevenant pour l’évaluer avant de le diriger vers les ressources appropriées. Les avocats, l’intervenante pivot et l’agent de probation se rencontrent afin d’envisager des alternatives à l’emprisonnement. Le juge de la Cour du Québec évaluera ensuite le cheminement de l’accusé, qui devra prouver une sérieuse volonté de s’impliquer et sa participation au programme. Les principes directeurs à la base du PAJ-SM sont de responsabiliser l’individu qui a commis une infraction face aux délits commis, de protéger le public, de respecter les règles du droit et de la procédure judiciaire, d’assurer le respect de l’intégrité et la dignité de la personne accusée et de reconnaître le potentiel de changement et de réhabilitation des individus.
De projet pilote à programme permanent
Les succès évident du PAJ-SM à Sherbrooke ont mené à l’annonce de la permanence du programme lors d’une conférence de presse tenue en septembre. « C’est ce qui manquait au système judiciaire pour vraiment bien s’occuper de ces populations fragilisées, mais qui commettent des infractions criminelles qui nuisent au bien-être public » a tenu à souligner Me Benoit Gagnon, de l’Aide juridique.
Lors de la conférence de presse, un bel exemple de réussite a été cité. Patrice (prénom fictif) l’un des premiers clients à avoir participé au PAJ-SM, vit avec des problèmes de santé mentale, de toxicomanie et possède des capacités cognitives limitées. À risque d’itinérance, il ramasse ce qui est laissé au chemin et le revend, mais parfois les biens laissés au chemin ne sont pas à donner ou à jeter. Il se trouve alors à commettre involontairement des vols et se retrouve presque chaque mois devant le juge. Au fil du temps, les délits s’accumulent et lui valent d’être emprisonné pour de courtes périodes, ce qui accentue son état de vulnérabilité.
Patrice prend part au programme PAJ-SM, ce qui lui permet d’être examiné par un médecin, qui stabilise son état. Une travailleuse sociale l’accompagne sur son trajet de ramassage de rebuts et convient avec lui qu’il devra à l’avenir aller voir le propriétaire de l’endroit où il trouve les objets et lui demander un reçu afin de s’assurer qu’il s’agit bien d’un objet à donner. Patrice a donc signé un contrat, contresigné par le juge, qui stipule qu’il doit continuer de s’assurer qu’il ne vole rien et qu’il doit respecter des règles d’hygiène dans son milieu de vie. Les accusations sont tombées et il a fièrement affiché le contrat dans sa chambre.
Une même approche mais pour les contraventions?
Les résultats du PAJ-SM nous amènent à réfléchir aux méthodes d’intervention vis-à-vis l’itinérance. Des constats d’infraction sont remis aux personnes qui mendient au centre-ville. Ces contrevenants ne peuvent payer, et ne sont pas toujours en mesure de trouver des endroits adaptés pour faire des travaux compensatoires ou communautaires. Une alternative comme le PAJ-SM pourrait-elle être une solution mieux adaptée pour aider la population itinérante et pour mieux protéger la population citoyenne?