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vol. 19, no 4

Partie prendre un café

1 août 2021 | Par Pierrette Denault | vol. 19, no 4

J’habite un berlingot géant où il ne vient que des chats. C’est doux ici en haut de la côte, c’est ouatiné, laiteux. Cette maison a tout ce qu’il faut pour m’assurer un « confinement heureux » : un fiancé que j’aime et qui m’aime, notre pile de petits bonheurs tranquilles, la sainte paix. Et pourtant…  

Au début de cette tempête virale, comme bien d’autres, j’ai senti que ma vie sociale s’était réduite comme peau de chagrin. Comme bien d’autres, j’ai profité de cette mise sur pause pour élaguer : trop de vêtements, trop de biens, trop d’informations, trop de temps. Vider tiroirs et placards, se délester de quelques meubles et de nombreuses caisses de livres, fermer la télé et l’ordi m’ont fait le plus grand bien. Puis, le silence et la lecture ont occupé tout l’espace. Je me suis longtemps promenée dans les livres : sur les mots des autres, j’ai voyagé et je n’ai pas vu les jours/semaines/mois passer jusqu’à ce que.  

Puis, un matin, le vide. LE grand vide. 

Je ne me plains pas, je constate. Je me suis surprise à tourner en rond dans mon château blanc. L’odeur du café me manquait. Je parle autant du doux parfum des grains de café que de celle enivrante de mon refuge, le Pain Voyageur. Quand Horacio a sonné l’heure de la récréation, j’ai agrippé mon masque et un livre et je me suis précipitée. Sur-le-champ, j’ai retrouvé mes repères : ma table préférée près du mur-mappemonde, le parfum des croissants chauds, celui des lattés. Tant de bonnes odeurs qui s’entremêlent et qui, pour moi, célèbrent la liberté! Les serveuses et le serveur connaissent vos habitudes, prennent de vos nouvelles et, en abeilles infatigables, veillent à désinfecter sans cesse. Quelle joie d’entendre d’une table à l’autre le murmure des retrouvailles, le cliquetis des claviers, les cuillères qui frôlent la porcelaine, pendant qu’en toile de fond Lhassa nous berce de sa voix feutrée. Enfin, renouer avec ma vie d’avant. Dans ce café restaurant de quartier, on se sent chez soi. 

La douceur d’un café de quartier réconforte
La douceur d’un café de quartier réconforte l’âme sociable qui a été prisonnière trop longtemps ces derniers mois.
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