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Livres
vol. 20, no 1

Ne plus s’effacer

1 février 2022 | Par Pierrette Denault | Livres, vol. 20, no 1

C’est une histoire d’immigration comme on les aime parce qu’elle finit bien malgré toutes les embûches auxquelles est confrontée cette famille qui a fui en catastrophe le régime de Pinochet. Ça se passe à Valparaiso en 1986. La petite Caroline a sept ans quand on lui annonce qu’il faut laisser derrière elle tout ce qu’elle aime. Sa première inquiétude : est-ce que le Père Noël peut entrer dans l’avion qui l’amène au Québec? Cet instant frontière va séparer sa vie en deux.  

Très vite l’enfant s’aperçoit qu’elle détonne : elle est différente, un peu boulotte, sa peau de Latina est brune, sa crinière indomptable, sa boîte à lunch jaune contient des repas pas comme les autres. Et surtout, elle ne parle pas français. Très vite elle l’apprendra, grâce à Passe-Partout et grâce surtout à madame Thérèse, titulaire de sa classe d’accueil. Très vite aussi Caroline apprend à ne plus s’effacer. Le lecteur suivra pas à pas cette enfant brillante et curieuse qui va tout faire pour performer sans attirer l’attention. Profil bas. Elle se met à écrire des poèmes. Elle aime tellement les mots, avoue-t-elle, qu’elle aurait voulu être poétesse toute sa vie si elle avait su qu’elle en avait le droit. Formidable déploiement d’une fillette qui, après avoir traversé une longue période d’effacement alors qu’elle n’avait qu’une envie, celle de vivre avec fureur, choisit de prendre sa place. 

En parallèle, on assiste à l’évolution de la famille. Les Dawson s’avèrent des parents déterminés et travaillants. Au Chili, la mère était éducatrice en service de garde, le père syndicaliste et enseignant. Les voici humiliés, condamnés à trente-six métiers trente-six misères. Comme un grand nombre d’immigrants, ils se sacrifient pour leurs enfants – Caroline a un frère – allant jusqu’à cumuler les quarts de travail de jour et de soir. Les enfants les suivent, voient leurs parents besogner : ils nettoient les maisons de riches, les salles de réunion, amassent ce qu’il faut d’argent pour améliorer leur sort.  

*** 

Publié en 2020, le roman devient vite un best seller. Découpé en trente-neuf chapitres très courts, Là où je me terre est un récit sensible, dynamique et très facile d’accès – c’est ainsi que le voulait l’auteure qui souhaitait un texte le plus accessible possible. Caroline Dawson est aujourd’hui sociologue, professeure et blogueuse engagée. Elle est coorganisatrice du Festival de littérature jeunesse de Montréal. Là où je me terre, publié aux Éditions du remue-ménage, est son premier roman. Vivement un deuxième! 

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