Imager le deuil périnatal

7 juin 2023 | Par William Thériault | Société, vol. 21, no 3

Anne-Josée Beaudoin, chargée de cours à la FASAP. Université de Sherbrooke Photo : Université de Sherbrooke par Michel Caron

Les décès périnataux, où des parents perdent leur bébé un peu avant ou un peu après leur naissance, font partie des épreuves les plus éprouvantes qu’une famille peut traverser. Depuis 2017, en collaboration avec la Fondation Portraits d’étincelles, Anne-Josée Beaudoin utilise le clic de son appareil photo pour leur « permettre un deuil plus facile ».

La mission de la fondation : accompagner les parents en leur offrant des photographies professionnelles de leur enfant avant de le perdre complètement, question que celui-ci puisse encore exister quelque part. Évidemment, elles sont prises dans le bon goût et surtout, dans la douceur.

« Je permets aux parents d’avoir des photos de leur enfant seul et ou avec les parents, explique-t-elle. Ce qui est reconnu scientifiquement, et il y a des études qui le prouvent, c’est que le deuil se fait plus rapidement quand les parents ont un souvenir. »

Lorsqu’un bébé s’éteint trop rapidement, le CIUSSS de l’Estrie – CHUS communique avec Portraits d’étincelles, qui s’empresse de dépêcher un photographe sur place. « C’est particulier parce qu’on rentre dans une bulle hyper intime », reconnaît Anne-Josée.

Les parents reçoivent d’abord une première photo dans les deux jours suivant le décès du bébé, puis reçoivent une vingtaine d’images séparées en deux dossiers : retouchées ou non-retouchées. « Ils ont l’option d’ouvrir le second dossier mais s’ils n’en sentent pas la force, ils n’ont pas besoin de le faire. »

Légitimer la peine

Ce genre de situation, trop souvent minimisée par un entourage qui ne comprend pas toujours la complexité de ce les parents traversent, vient générer un mélange d’émotions chez ceux qu’on sollicite pour prendre des photos.

« J’essaie de leur montrer qu’ils ont droit d’avoir de la peine, raconte Anne-Josée Beaudoin. Leur enfant n’a pas existé longtemps, mais il a existé dans leur grossesse. J’essaie d’adopter une attitude pour légitimer leur peine et leur désarroi. Je n’ai jamais pleuré sur place, mais je ressors de là et je suis brûlée. »

À la grandeur du Québec, la fondation reçoit des demandes pratiquement tous les jours. Pour ce qui est de Sherbrooke, Anne-Marie est appelée mensuellement. Il y a même une période, entre novembre et janvier derniers, où ses services ont été sollicités une fois par semaine.

Il y a toutefois une récompense à cet effort. De façon générale, les parents sont bien sûr sous le choc, mais sont reconnaissants à l’endroit de la personne qui vient cristalliser le moment pour les appuyer.

« J’ai vécu une fausse couche entre mes deux enfants, témoigne la photographe. Je voulais tellement des enfants que je peux bien imaginer la douleur que ces parents-là vivent. Psychologiquement, ça les aide. »

Pour ceux et celles qui se posent la question quant à l’utilité de cette occupation bénévole, Anne-Josée Beaudoin a déjà une réponse : « Dans ma tête et dans mon cœur, c’est évident qu’il faut que ça se fasse. »


Cet article est l’un d’une série de chroniques présentant des gens de notre région dont le métier ou le style de vie est hors du commun.

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