J’avais peur de me perdre

7 février 2025 | Par Olga Renaud | Interculturalisme, vol. 23, no 1

Mes nombreuses années d’expérience comme enseignante de français auprès d’élèves immigrants m’ont amenée à comprendre toute l’importance de la capacité à communiquer dans la langue du pays d’accueil.

Voici, en mes mots, des témoignages qu’au fil du temps les élèves m’ont racontés, parfois dans un éclat de rire, parfois avec des larmes au coin des yeux. Pas facile de vivre dans un pays dont on ne connait ni le vocabulaire, ni la grammaire…

L’une de mes élèves me confie le défi que représentait le transport en commun : « J’avais peur de me perdre en prenant l’autobus. Quand le chauffeur s’est adressé à moi, j’ai baissé la tête et j’ai dit " oui ". C’était le seul mot que je connaissais. Il n’a pas insisté. Je suis allée m’asseoir en me disant que j’allais rester là et que je n’allais plus bouger de la journée. Je tendais l’oreille au cas où j’entendrais parler arabe. Tout le monde était sérieux et regardait dehors. Et moi, j’étais seule, perdue, sans rien voir. »

Une autre jeune me raconte, le cœur gros, une histoire qui s’est produite lorsqu’elle était enfant : « Ma mère et moi sommes allées à l’épicerie. Elle tenait un billet de 20 $ dans sa main droite et me tenait de la main gauche. Elle paraissait un peu nerveuse, mais aussi un peu contente. Rendues à la caisse, la dame a dit quelque chose à ma mère. J’essayais de comprendre. Il semblait y avoir un problème. Finalement, nous sommes sorties de l’épicerie, les mains vides. Je n’ai jamais compris pourquoi. »

« Dans mon pays, on jouait au soccer à toutes les récréations. Ici, la récré ne dure pas assez longtemps. Mais assez longtemps pour me sentir seul. C’est très long 20 minutes à se sentir seul, à regarder les garçons de ma classe qui rigolent entre eux. Comme j’aimerais retrouver le sentiment d’être entre copains ! Le swahili ne me sert à rien ici », se désolait un jeune Africain qui a multiplié les efforts dans son apprentissage du français pour arriver à se faire des amis.

Pour plusieurs jeunes immigrants, la barrière de la langue peut devenir particulièrement angoissante. L’une d’entre eux m’avait partagé son inquiétude de devenir un poids pour sa nouvelle amie de classe qui l’aidait beaucoup. Elle a eu peur de perdre son amitié à cause de la charge qu’elle croyait être pour elle. Un autre se disait qu’il n’arriverait jamais à être inclus et à bien s’exprimer. Quand il parlait aux autres, il cherchait souvent ses mots et remarquait leur impatience et leur perte d’intérêt. Cela lui causait beaucoup de chagrin.

La persévérance des jeunes immigrants
Une jeune Colombienne m’a partagé qu’elle a toujours été un peu différente des autres, même en Colombie. Ses parents étaient enseignants, elle était donc privilégiée. Mais quand elle est arrivée à l’école ici, elle était l’extra-terrestre qui parlait espagnol, dont on ne savait rien et qui n’était sûrement pas intéressante. Elle a pu faire sa place quand elle a su s’exprimer dans la langue de ses camarades. Ils ont ainsi compris qu’on était pareilles ou presque !

En tant qu’enseignante, quel soulagement et quelle joie de les voir évoluer et s’intégrer à leur nouvelle vie au Québec, une vie en français. J’ai été témoin de leur volonté féroce de s’intégrer à leur nouvelle communauté, ainsi que de leur réussite à y parvenir. À ces jeunes courageux qui ont croisé mon chemin, je dis bravo et merci de m’avoir permis ces belles rencontres.

De simples gestes…

Voici quelques conseils dont nous pouvons nous inspirer pour accueillir les nouveaux arrivants avec qui nous sommes en contact dans notre quartier, sur notre lieu de travail ou lors de nos loisirs.

• Prenez le temps d‘apprendre la prononciation correcte du nom des nouveaux arrivants que vous rencontrez.
• Évitez les remarques sur l’accent ou les expressions des personnes immigrantes. Tous les pays du monde ne parlent pas le français de la même manière ; cela ne veut pas dire que leur français est incorrect !
• Le français n’est pas la langue maternelle de tous les nouveaux arrivants dans notre communauté. Si nécessaire, parlez plus lentement, faites des phrases simples et courtes et soyez patient.
• Informez-les des ressources et services communautaires que proposent les bibliothèques, en plus des emprunts de livres.
• Aidez une personne immigrante par de petits gestes. Par exemple, proposez-lui de garder ses enfants pendant qu’il va à un rendez-vous, ou arrosez ses plantes s’il doit s’absenter.
• Intéressez-vous à l‘histoire d‘un nouvel arrivant et pratiquez l’écoute active.
• Aidez quelqu'un à trouver des cours de français ou des groupes de conversation gratuits.
• Aidez ces gens à s‘orienter dans la ville ou dans son nouveau quartier.

Source : Le Réseau en immigration francophone de la Colombie-Britannique, Gestes pour accueillir un nouvel arrivant, disponible au www.rifcb.ca

 

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