Une lutte locative porteuse de solutions

17 juin 2025 | Par Gabriel Martin | Société, vol. 23, no 3, Éditorial

Alors que l’été amène la chaleur, les vacances et les voyages pour nombre d’entre nous, il correspond malheureusement aussi, pour plusieurs, à des augmentations de loyer salées et à l’exacerbation de ce qu’on nomme couramment la « crise du logement ».

Le sujet est si souvent abordé dans l’actualité qu’on pourrait croire qu’y revenir condamne à répéter les mêmes rengaines. Pourtant, il n’en est rien. En fait, la question est souvent effleurée sans être véritablement creusée, et son simple recadrage ouvre fructueusement des perspectives insoupçonnées.
Dans son essai politique La classe locataire, l’économiste Ricardo Tranjan invite ainsi à considérer la question sous un angle renouvelé : plutôt que de parler des enjeux du logement comme d’une « crise », qui implique un problème purement technique, il serait profitable selon lui de cadrer le débat comme une véritable « lutte des classes ». Dans cette lutte locative politisée, estime-t-il, les intérêts économiques de la « classe propriétaire » s’opposent radicalement à ceux de la « classe locataire ».
L’auteur, qui ne mâche pas ses mots, émet un constat possiblement brutal, mais tout de même véridique : « La classe des propriétaires s’enrichit sur le dos de la classe ouvrière. Les lois le permettent. Les tribunaux du logement appliquent cette loi. »
À contrecourant du discours dominant, la posture de Tranjan rappelle que la solution n’est pas seulement de modifier les infrastructures matérielles et de construire de nouveaux logements, mais bien de revoir certaines lois en profondeur. Le gouvernement, en effet, détient le plein pouvoir de légiférer pour mieux protéger les locataires.
Loin d’être utopiques, des solutions législatives connues ont été adoptées çà et là dans le monde démocratique, où elles ont prouvé leur efficacité. Il s’agit concrètement, dit Trajan, de transférer un maximum de logements hors du marché privé et d’encadrer strictement le reste du marché locatif.
Comment y parvenir ? Des mesures audacieuses, aussi radicales que le problème, existent : interdire les locations de courte durée comme Airbnb, instaurer un véritable plafond légal sur les hausses de loyer ou encore financer collectivement l’achat d’immeubles privés par des coopératives d’habitation. De telles propositions sont réalisables, si la pression populaire est suffisante et le pouvoir en place suffisamment réceptif et courageux.
Avant tout, il faudra que la population soit non seulement sensibilisée à la gravité de la situation locative, mais surtout bien informée sur ses causes réelles et sur les moyens d’y remédier.
Ce numéro du Journal de rue de l’Estrie cherche à contribuer à cet effort d’information. Des pages 9 à 14, ses collaborateurs et collaboratrices livrent leurs regards croisés sur la lutte locative. À travers leurs textes, ils cernent les grandes problématiques au cœur de cette lutte, sans négliger de tracer les voies d’espoir et les pistes de solution qu’il est possible d’emprunter collectivement.

Gabriel Martin, directeur adjoint du Journal de rue de l’Estrie

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