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Entrevue

Ghislain et Rosaire, complices du Journal de rue

1 juin 2018 | Par Marie-Claude Paradis-Vigneault | Camelots, Entrevue

À ce jour, le Journal de rue de l’Estrie compte douze camelots qui vendent le journal dans les rues de Sherbrooke et l’équipe espère élargir son territoire. Pour ce faire, l’organisme a besoin que d’autres commerçants lui ouvrent ses portes. Or, le travail de camelot étant encore méconnu, plusieurs semblent réticents à l’idée d’accueillir chez eux l’un des membres du journal. Afin de démystifier le travail des camelots et pour rendre hommage aux marchands qui les accueillent, je vous proposerai dans les prochains mois une série d’interviews avec un duo commerçant-camelot.  

Rosaire
Les habitués du Marché de la gare connaissent bien leur camelot, notre membre Rosaire, représentant des camelots et administrateur au sein du conseil d’administration de la coopérative de solidarité Journal de rue Le Nouvel Espoir.

Lumière sur Ghislain Paquet, fromager et co-propriétaire de la Fromagerie de la gare 

Ghislain Paquet, est fromager et co-propriétaire de la Fromagerie de la Gare depuis onze ans. Il est également vice-président de la Corporation du Marché de la Gare de Sherbrooke. Dans son commerce, on compte plus de 175 fromages et, depuis l’ouverture, ils en ont tourné environ 500. C’est donc l’eau à la bouche que je suis allée à sa rencontre et à celle de Rosaire, camelot renommé du Journal de rue de l’Estrie. Située sur le merveilleux site du Marché de la Gare, la fromagerie accueille des camelots depuis bientôt dix ans. 

Ghislain: On s’est lié d’amitié avec au moins trois camelots, Rosaire étant notre plus prolifique. Il y en a quelques autres qui se sont démarqués. Il y a même un camelot qui était ici et qui a fini par travailler pour Destination Sherbrooke.  

Le co-propriétaire de la fromagerie me raconte que c’est le Journal de rue qui l’a approché pour voir s’il accepterait d’accueillir des camelots. Je lui ai demandé s’il avait  d’abord eu des réticences face à cette demande :  

Ghislain: Ah non! Ça c’est certain qu’on n’avait pas ça. C’est sûr que considérant qu’on est dans un endroit de cuisine, on a nos règles à respecter, comme les distances, mais sinon, non, au contraire. Ça fait partie de la vie! Moi j’ai toujours acheté le journal. Je pense que tout le monde ici au Marché de la gare a ce souci-là, on a cette confiance-là. Puis, de dire non à ça, ce serait de dire non à bien des affaires qui nous tiennent à cœur. 

MC: Quand tu dis on passerait à côté de choses qui nous tiennent à cœur, à quelles valeurs penses-tu? 

Ghislain: À la valeur humaine, tout simplement. Rosaire c’est un humain, ce n’est pas juste le vendeur de journal, c’est Rosaire. Que ce soit lui ou que ce soit Michel, ce sont des humains trippants. Ils ont tous leur histoire, ils ont tous des choses à raconter, puis ils veulent juste faire des sous. Le journal est cool aussi. Moi je l’achète à Rosaire une fois de temps en temps. Il ne quête pas, il vend un produit. Il offre quelque chose et les gens lui donnent en échange s’ils le veulent. 

MC: Sens-tu que ça apporte quelque chose de plus à ton commerce d’avoir un camelot? 

Ghislain: Dans l’achat local, les gens sont importants, l’humain est important. Moi quand il y a un fromage, je vais dire que c’est fait par Marie-Chantal, par exemple. Je pense que ça positionne ça aussi. Il y a quelqu’un qui travaille derrière ce journal-là, puis Rosaire il le vend. Peut-être à ce niveau-là. 

Tout au long de l’entrevue, une ambiance de camaraderie régnait entre Ghislain et Rosaire.  

Rosaire: Moi je me suis bâti une belle amitié avec tous les commerçants ici. Ghislain Paquet, Sébastien Meunier pis Patrick Cloutier, c’est du monde sympathique et c’est du monde formidable. L’accueil au début, A one. J’aime ça. 

MC: Aimes-tu vendre le journal ici? 

Rosaire: Bien oui! J’ai fait un lien d’amitié avec ce monsieur-là…qui est à moitié smatt!  (rire) 

Ghislain: Ah ah! On taquine ceux qu’on aime, hein! (rire)  

La présence de Rosaire semble également appréciée par plusieurs clients et clientes du marché qui se sont habitués à lui. Il fait désormais partie de la famille de la gare.  

Rosaire: Comme je dis au monde, je vends mon journal, mais je ne l’impose pas à personne. C’est primordial pour moi. Si tu l’imposes à la personne, ta place n’est plus là.  

MC: Ghislain, est-ce que tu entends des fois des commentaires de la part de clients concernant la présence de Rosaire?  

Ghislain: Non, non, on n’entend pas de commentaires négatifs, ils vont plutôt nous dire parfois : « Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu Rosaire. » C’est plus ça qu’on va entendre.  

MC: En quelque sorte, on peut dire que Rosaire fait partie de la place maintenant? 

Ghislain: Ah oui! Définitivement, on s’attend à ce que Rosaire soit là. Moi quand il n’est pas là, je suis inquiet. S’il n’est pas là, je me dis: « Voyons qu’est-ce qui se passe avec Rosaire? » Il fait plus d’heures que moi dans une semaine! (Rire) À Noël c’est beau aussi la dynamique. Dans le temps des Fêtes, il y a des cadeaux qui se donnent, des câlins qui s’échangent. 

MC: En terminant, Rosaire, est-ce que tu aimerais ajouter quelque chose sur ton travail ici à la Fromagerie? 

Rosaire: La Fromagerie, c’est du monde formidable, c’est du monde accueillant. Des fois on s’agace, mais c’est le fun. 

Ghislain: Ah oui! C’est pour ça qu’on le fait! 

C’est le sourire au cœur, avec le Journal de rue de l’Estrie sous le bras et un savoureux fromage fumé dans mon sac que j’ai quitté Ghislain et Rosaire, chacun retournant à ses occupations marchandes.  

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