Curieux de tout
Jean-Marie Brault est un bavard intarissable et on pourrait l’écouter pendant des heures tellement il a d’anecdotes succulentes à raconter. La curiosité, la soif d’apprendre et la ténacité ont gouverné sa vie. Partons à la rencontre d’un homme passionné.
Jean-Marie est né en 1954. Il était l’aîné de la famille. La maison de son enfance était voisine de l’école primaire Notre-Dame-de-Liesse alors dirigée par les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus. « J’ai beaucoup de respect pour les sœurs : elles nous enseignaient bien, elles étaient patientes. Je n’aimais pas les maths, mais j’aimais le français et ma matière préférée était la géographie. »
Un cadeau inestimable
À l’âge de dix ans, le petit Jean-Marie reçoit, en cadeau de ses parents, un appareil photo. Aussitôt, c’est la piqûre. « Je l’avais toujours avec moi; je dormais quasiment avec, confesse Jean-Marie en riant, et la famille était presque tannée de se faire photographier à tout instant. » Jean-Marie ne savait pas alors que c’était pour lui les premiers pas d’une grande aventure. Après un bref passage au secondaire, il s’en va suivre une formation de projectionniste à Sept-Îles.
Le glamour du 7e art
Jean-Marie voue une passion pour les acteurs et actrices. Il les suit dans leur vie professionnelle jusqu’au bout. « Par respect pour ce qu’ils nous ont donné », dit-il. Il prend en note leurs exploits, découpe leurs photos dans les journaux, note méticuleusement leur date de décès dans un cartable. À l`âge de 15 ans, il s’entiche de France Gall – les plus vieux se souviendront de Poupée de cire, poupée de son. Jean-Marie se rendra à la Place des arts pour assister à son spectacle et trouvera même le moyen de revenir à Sherbrooke dans la limousine avec Jean-Guy Moreau et Christine Chartrand, deux vedettes de l’époque. Même passion pour le célèbre Burt Lancaster, venu tourner à Drummondville dans Barnum & Bailey en 1986 : Jean-Marie fera l’aller-retour à vélo pour aller saluer son idole.
Projectionniste au Cinéma de Paris
C’est monsieur Aurore Binette qui engagera Jean-Marie comme homme à tout faire au Cinéma de Paris où il fera le ménage entre les projections, même la nuit. Très vite, il remplacera le projectionniste et finira par décrocher le poste. Il sera également portier - il conserve d’ailleurs une magnifique casquette à l’effigie du Cinéma dans ses cartons, et il se promet bien, un de ces jours, de se faire prendre en photo devant la murale au coin des rues Camirand et King Ouest. Il ne le dit pas, mais gageons qu’il aurait aimé être immortalisé sur cette murale!
Une sabbatique, c’est bon pour le moral
À l’âge de 39 ans, notre homme quitte Deauville à vélo/remorque. Il fuit l’hiver, met le cap vers le Sud. En route pour Rochester New-York. La Pennsylvanie (il couchera une nuit chez les Amish), la Virginie (il visite le Musée du charbon), le Mississipi (salue Elvis!), la Californie (il visite le plateau de tournage de la fameuse série Dallas) et le Texas. Le 25 mars 1994, il quitte le Panama pour rentrer par avion au Québec.
Un homme et son musée
Jean-Marie mène une vie parallèle : il achète ici et là des appareils de projection et met sur pied son propre musée à Deauville. Les enfants de l’école de son enfance viennent le visiter en autobus – certains de nos lecteurs se reconnaîtront peut-être ici? Le projectionniste les laisse décider du film à voir, leur fournit même popcorn et liqueurs douces. Jean-Marie est aux anges, il a trouvé le moyen de partager sa passion pour le cinéma. Mais un jour, le rêve s’effondre : c’est le crash. Il sera expatrié de façon cavalière. Il tente de résister, mais n’en a pas les moyens financiers. On vide ses bâtiments, il réussit à sauver la plupart de ses biens, mais il retrouvera plus tard certaines pièces de sa collection de projecteurs au dépotoir. C’est un homme cassé. Il mettra des années à s’en remettre.
La vie, c’est plus fort que tout
Jean-Marie n’a jamais été un quêteux, il a sa fierté et il tient à le préciser. Mais il a longtemps ramassé des canettes vides pour alléger ses fins de mois. Aujourd’hui, il le fait davantage par souci écologique, pour protéger la planète. « Mais depuis quelques mois, ma vie est plus facile, confesse Jean-Marie. Depuis que je suis redevenu camelot de rue, je peux m’offrir des petits luxes. Par exemple, je viens de m’acheter le livre Les cents ans de cinéma à Sherbrooke et ma carte de cinéma. Tout cela, c’est la faute à Bernard, le camelot-poète (rires); c’est lui qui a insisté pour que je fasse partie de l’équipe des camelots de rue. J’espère qu’aux yeux des lecteurs, je fais quelque chose de bien … je veux être un homme respecté ».