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Confessions d’un prêtre de la rue

1 décembre 2018 | Par Jan-L. Munk | Livres

Avec un tel titre, je m’imaginais un genre d’histoire remâché d’un autre héros de rue. Et puis... quelle différence cela va faire dans ma ville, ou pour ma ville? Et puis encore… il y en a tellement de livres. Mais bon, après l’article lu dans le Journal de Montréal et une recherche superficielle sur le web, j’étais suffisamment motivé à me procurer le livre.

Claude Paradis connaît la rue, mais il l’a aussi vécue à travers ses propres descentes aux enfers avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui. C’est ce qui lui permet aussi de ne pas se donner des airs de curé. Ce parcours lui aura enseigné à regarder plutôt que de juste voir, autrement dit, à se mettre à la hauteur de l’autre.

Il partage avec Jean-Marie Lapointe son parcours en toute modestie; de son enfance jusqu’à sa vie de prêtre, avec ses chutes et ses regrets. Il nous rappelle que personne n’est à l’abri de la rue ou « d’un mauvais coup de destin ». Et il est bien placé pour comprendre ce dilemme, ayant lui-même connu le sentiment d’infériorité ou de non-acceptation, ayant goûté à la blessure et à la souffrance, ayant fréquenté la dépendance, les recours au suicide et les désordres alimentaires. Sa lecture de vie nous aide à saisir comment ces maux peuvent s’installer chez une personne. C’est que selon les types de relations et de représentations qu’on entretient, divers sentiments (de doute ou d’abandon, de manque d’amour et d’attention, de honte) peuvent s’installer insidieusement dans la vie et nous empêcher de bien vivre le présent, causant des ravages parfois irréparables. Il parle avec une franche sincérité et une rare candeur masculine au sujet de sa vie de prêtre, de la vie sexuelle (la sienne et en général); il ose réfléchir sur sa propre humanité et à ses besoins d’intimité.

Ce livre est davantage qu’une confession ou un aveu médiatique. On n’est pas laissé avec cet arrière-goût de quelqu’un qui tient à se valoriser : le livre nous embarque plutôt dans une sorte de dynamique, un dialogue entre cet homme et son lecteur avec qui il partage son parcours. Lorsque Claude Paradis regarde l’autre, et lorsqu’il se regarde, il regarde l’esprit de la personne : peu importe sa situation, en poste d’autorité ou non, en situation financière stable ou non, comblé ou non, religieux ou non.

En relisant ce livre, je réapprends autrement que l’idée d’apporter le bonheur, de le porter en soi, nourrit l’autre d’une dignité partagée, et davantage, car elle libère de toute tentative de se justifier ou de se valider. Vedette ou pas, Claude Paradis ne se prend pas pour un autre, et Jean-Marie Lapointe non plus, car ce qui leur importe, c’est d’être soi-même : simplement le vrai soi-même, sans céder aux apparences.

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