Pour sortir du génocide
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées débouche sur le constat que les états canadien et québécois sont tenus responsables de la grande misère des peuples autochtones du Canada et, du même coup, du génocide de type colonial de ces mêmes peuples, qui s’étale sur plusieurs décennies. Nous pouvons évoquer toutes ces enfants qui furent arrachées à leur mère et à leur langue, et emmenées de force au pensionnat. Tout cela dans la plus grande indifférence.
Au-delà du constat se pose la question éthique de notre rapport à l’autre. Car il s’agit bien ici de donner existence à des cultures, à des langues et des valeurs spirituelles autochtones liées au monde des animaux et de la forêt. Il convient de faire exister l’autre, de lui donner une voix, de mettre en valeur sa diversité, sa différence et son altérité. Pire que la disparition de certaines espèces animales et des forêts, la disparition d’un peuple signifie la perte d’une sagesse de vie.
C’est pourquoi tant et aussi longtemps que nous ne nous intéresserons pas au sens des cultures autochtones, nous demeurerons dans l’indifférence. Tant et aussi longtemps que nous ne serons pas saisis par l’unité qui nous lie les uns aux autres, le vivre ensemble ne sera jamais qu’un rêve. Le philosophe Gadamer le souligne : « c’est précisément en se mettant soi-même à la place de l’autre que l’on prend conscience de son altérité, bien plus, de son irréductible individualité […] Cet acte de se replacer n’est ni transport empathique d’une individualité dans une autre, ni non plus soumission de l’autre à nos propres normes; il signifie toujours élévation à une universalité supérieure qui l’emporte non seulement sur notre propre particularité, mais aussi sur celle de l’autre ». Cela signifie « apprendre à voir au-delà de ce qui est près, trop près, non pour en détourner le regard, mais pour mieux le voir, dans un ensemble plus vaste et dans des proportions plus justes ».
En ces temps de trouble écologique et de démocratie, il conviendrait que nous prenions conseil auprès des traditions autochtones. Ces « sauvages » (du mot sylvestre) en savent davantage que nous sur la sagesse de la nature. Mais cela ne sera possible que si nous développons une affection pour leur culture, leur langue, leur mythe et leur spiritualité.
Finalement, la situation des peuples autochtones du Canada ne devrait pas être perçue seulement comme un problème à résoudre, mais comme un champ de réflexions adressant l’énigme de la condition humaine, dont la question de ce qu’est de vivre en harmonie avec la nature en vue de notre propre survie afin d’éviter notre propre génocide. Il en va de notre humanité.