Cri du cœur
Salut la vie! Dis-moi comment on fait pour se réinventer?
Quand tout ce à quoi tu as dédié ton temps, ton énergie, ta créativité ces dernières années… s’écroule dans tes mains. Comme du sable. Quand les contrats signés, les tournées officielles et les couvertures médiatiques sont simplement mis à la poubelle, même s’ils avaient pourtant une valeur juridique en 2019… il n’en est plus.
Parce que NON, les spectacles ne pourront pas TOUS être reportés, parce que les salles de spectacles et diffuseurs continuent de nager dans l’incertitude d’une potentielle reprise culturelle qui affecterait sans conteste leur capacité financière en raison des nouvelles normes de distanciation qui réduiront considérablement la capacité de leur salle. On te dit qu’il te faudra recommencer le processus de sélection pour faire partie de leur programmation future. Même si les billets étaient tous vendus. Même si les affiches étaient posées. L’hébergement réservé. La couverture médiatique lancée… Parce que la réalité a changé. Parce que c’est comme ça.
Dis-moi la vie, comment on fait pour se réinventer alors que tu dois faire en même temps le deuil de cette petite entreprise que tu as tenté de bâtir depuis les 5 dernières années… quand tu avais pourtant réussi à convaincre des gens de travailler avec toi, engager une équipe qui aujourd’hui ne peut plus être à tes côtés, parce qu’ils doivent à leur tour, survivre, se réinventer, changer de métier peut-être.
On te demande de continuer ton bonhomme de chemin dans cette grande et triste industrie de la musique qui déjà tardait à faire face aux nouveaux défis imposés par l’ère du numérique.
On demande aux artistes de la scène de se réinventer, c’est-à-dire ENCORE soumettre de nouvelles demandes de bourses pour réfléchir et adapter leurs oeuvres au numérique, alors que c’est précisément ce dernier qui a mis à mal leur métier ces dernières années en les privant de récolter les recettes de leurs oeuvres qui continuent de s’empocher à travers les plateformes qui ne versent que 0.0000005 cenne par écoute, pendant que la valeur des actions des plateformes, elle, monte en bourse à une vitesse faramineuse.
On nous demande de sauter à pied joint dans le numérique… et d’arrêter de faire ce pourquoi nous avons jusqu’à maintenant dédié notre vie : c’est-à-dire les ARTS VIVANTS, bâtir cette rencontre entre l’artiste et son public, cet échange direct, sans intermédiaire, sans filtre et sans retouche qui parviendra à toucher l’âme du public. Cette fragile rencontre doit maintenant passer par le virtuel. On nous demande maintenant de réussir à toucher le public, coincé derrière leurs écrans, alors qu’on ne possède peut-être ni expertise ni ressources pour inventer ENCORE de nouveaux projets qui seront PEUT-ÊTRE soutenus. Se lancer encore dans une course au mérite artistique. « Les appels à projet seront votre rémunération, dit la ministre Roy. » Radio-Canada.
D’accord, on ne peut pas se rencontrer pour le moment.
Mais pourquoi faut-il changer de métier? Pourquoi ne pas simplement reconnaître que de façon totalement inégale, certaines personnes sont privées de faire leur métier et que les règles du jeu ont changées!
Pourquoi ne pas continuer à les soutenir en leur offrant un revenu minimal le temps qu’ils parviennent à se RÉINVENTER. Parce qu’il semblerait que les choses, elles ne changeront pas de sitôt.
Pendant qu’on me suggère de faire des prestations « live » gratuites de mon nouvel album sur les réseaux sociaux pour lequel j’ai investi chacune de mes économies des 3 dernières années, d’autres me proposent de redevenir travailleuse sociale.
Si seulement…
ils savaient toute la profondeur de ma peine…
Bon. Salut la vie!
J’y retourne… j’ai des projets à inventer.