L’infobésité, une overdose d’informations
Vous vous installez devant votre ordinateur, vous activez votre téléphone cellulaire, vous ouvrez la télévision. Vous arrive-t-il d’éprouver soudainement une sensation de trop-plein? De ne plus arriver à lire comme avant, à vous concentrer comme avant? D’être submergé par une avalanche d’informations au point d’avoir envie de chercher partout? Vous faites sans doute une indigestion aiguë appelée infobésité.
L’infobésité : un phénomène qui prend de l’ampleur
Le terme est une traduction francisée (d’invention québécoise) du mot anglais infobesity, un néologisme qui associe l’information et l’obésité. Le phénomène n’est pas nouveau : en 1970 dans Le choc du futur Alvin Tofler, le célèbre futurologue américain, désignait cette notion de surcharge informationnelle comme étant la difficulté d’une personne à prendre une décision en raison de la trop grande quantité d’informations.
Il n’existe pas de véritable définition scientifique de la « surcharge informationnelle ». Pour l’auteur de The Genius In All Of Us, David Shenk, la surinformation est un « brouillard informationnel ». D’autres chercheurs parlent d’un « syndrome de débordement cognitif » ou encore « d’information anxiety ». Selon le Larousse, l’infobésité désigne la surabondance d’informations imputée aux chaînes d’information en continu, aux nouvelles technologies de la communication (Internet, téléphones portables, messageries, réseaux sociaux) et à la dépendance qu’elles créent chez l’utilisateur. Bref, l’infobésité pourrait aussi avoir sur nous une influence néfaste telle que la perturbation de notre capacité cognitive ou de la concentration. Et même des conséquences sur la santé émotionnelle et physique. Ce n’est pas rien!
Des signes qui ne mentent pas
L’infobésité met un frein à l’action. Vous arrive-t-il de passer davantage de temps à vous informer qu’à agir? De ne pas arriver à produire quelque chose d’utile avec l’information que vous avez collectée? Vous êtes probablement victime d’infobésité. Vous savez, bien sûr, que la « bête » est dévoreuse de temps et d’énergie, mais si vous avez le sentiment d’être avalé par le tourbillon sans fin d’informations nourri par les professionnels du web, il est grand temps de réagir avant d’être tétanisé. Car, non seulement l’épuisement professionnel vous guette mais, comme l’affirme Caroline Manville, enseignante-chercheuse à la Toulouse School of Management, « le sentiment d’être empêché, la non-reconnaissance des compétences et du travail fourni pour boucler un dossier peuvent être perçus comme injustes et être à l’origine de troubles du sommeil, qui conduisent à de l’épuisement émotionnel, lequel peut être à l’origine de troubles musculo-squelettiques. »
Des solutions existent
Observons trois circonstances où ce phénomène se produit. Tout d’abord, dans l’usage que nous faisons de la correspondance électronique. On ne parle pas ici de messages pour saluer quelqu’un, pour dire merci, pour donner de ses nouvelles et en prendre. On fait plutôt référence aux salariés qui font un usage incontrôlé d’informations futiles et qui se font une obligation d’en « farcir » tous les abonnés à leur carnet d’adresses. Y compris leurs collègues de travail. Sur leur temps de travail de surcroît! Savez-vous qu’il existe des formations offertes aux entreprises pour ramener ces salariés à une meilleure utilisation de la messagerie électronique? Thierry Breton, PDG de la société française de services informatiques Atos Origin a constaté il y a plusieurs années que ses employés étaient constamment distraits par le nombre élevé de courriels reçus chaque jour. Pour éliminer cette « distraction » contreproductive, il a mis en place une politique « Zéro E-mail », et opté pour une communication par réseau social d’entreprise. Une solution qui trouve de plus en plus de preneurs.
L’infobésité se manifeste aussi dans le département de marketing stratégique des entreprises. En charge de la veille, le département cumule un nombre illimité d’informations. On collecte large de peur de rater la dernière nouveauté sur le marché. On engorge ainsi le réseau de l’entreprise au lieu de travailler en amont à trier l’information, ce qui aurait pour effet de faire une recherche plus efficiente. Savoir ce que l’on cherche épargne temps et énergie, mais empêche également de surcharger les réseaux des entreprises.
Finalement, il vaut mieux se méfier de l’effet entonnoir qu’entraîne inévitablement un grand volume d’informations sur les sites web qui ne cessent de se multiplier. À l’heure où tout est sujet à mesure (le nombre de visiteurs, les demandes de contacts, les chiffres d’affaires, la provenance planétaire, la météo, etc.), l’internaute qui visite des sites web devraient avoir défini à l’avance les indicateurs pertinents selon l’objet de sa recherche. Il évitera ainsi de s’embourber dans une nuée d’informations qui, non seulement ne correspondent pas à sa requête, mais lui feront perdre un temps fou à hiérarchiser et trier ces nouvelles données. La meilleure stratégie pour ne pas se laisser dépasser par un grand volume d’informations provenant du web est de travailler avec précision à définir au préalable ses objectifs de recherche.
Conclusion
Le 4 décembre 1995, Joël de Rosnay annonçait dans l’entrevue L’utopie du cybermonde accordée à France Culture « une nouvelle forme de pollution des cerveaux par l’excès d’information ». Vingt-cinq ans plus tard, la menace est bien présente. Selon P. Aron et C. Petit dans L’info, nerf de la guerre, l’humanité a produit au cours des trente dernières années plus d’informations qu’en deux mille ans d’histoire et ce volume double tous les quatre ans. Considérant ce fait, cela ne vaut-il pas la peine de lutter contre l’infobésité?