La haine, quand le mal-être nous tue
Selon le dramaturge latin Plaute, « l’homme est un loup pour l’homme ». Comme des bêtes, l’être humain s’attaque aux personnes les plus vulnérables. Il s’en prend à ceux et celles qui se tiennent loin de son idéal. On peut y voir un être qui trouve sa jouissance dans la domination sur une autre personne, comme si celle-ci était tenue responsable de tous les maux qui affectent notre existence.
Il n’est pas surprenant alors qu’il y ait des personnes publiques qui fassent l’objet de discours haineux en raison de leur opinion ou de leur geste. Dans les médias sociaux, on constate leur condamnation, et cela sans appel. Des gens prennent un plaisir sadique à déverser leur haine sur ces personnes tenues en disgrâce. À travers cette charge virulente, ils se pensent comme des dieux souverains, des superhéros, des redresseurs de torts avec un droit de vie ou de mort. Ils se croient en mission : sauver le monde de la vermine. Pas surprenant qu’on y aille jusqu’aux menaces de mort.
Est-il possible d’entendre dans ces discours autre chose que cette volonté de dominer autrui, de le vider de toute profondeur, de l’écraser et de lui ôter son droit à la vie en lui dérobant sa voix? Pourrait-on aussi y voir une tentative d’expression à notre souffrance? Un geste ultime pour contrer l’absence de sens?
Pourtant, avec la haine, c’est un pan entier de notre être qui se trouve appauvri. La haine est la trace de notre malaise à bien vivre, de notre mal-être ou, dit autrement, de notre mal à l’être. Et ça fait mal. Car on ne sait plus aimer, ni apprécier la beauté du monde et reconnaître la fragilité humaine.
Au lieu de crier au scandale et de lyncher les porteurs de discours haineux et, du même coup répéter le cycle de la violence, il faudrait peut-être reconnaître qu’on est en manque de relation à soi, aux autres et au monde. Dans ce cas, au lieu de dire du mal d’autrui, il convient d’imaginer sa souffrance et de se rendre solidaire.
S’il ne s’agit pas de détruire autrui, mais de lui donner la vie, alors, comment s’y prendre? En établissant un dialogue sur ce qui nous rend meilleur en tant qu’être humain et une conversation sur le sens de notre expérience de l’existence, malgré nos doutes. Surtout, en acceptant la pluralité des voix.
À quoi bon sauver la planète, prendre soin des forêts, lacs et rivières, de préserver la faune, si nous ne savons pas montrer un peu de bienveillance entre nous? Le meilleur moyen pour déjouer le piège du ressentiment reste encore et toujours le soin qu’on prend pour comprendre que la haine dit toujours autre chose : nos blessures. Dans ce cas, il convient plus que jamais d’écouter ce qui cherche à se dire : peut-être une envie de donner sens, un désir de justice et de reconnaissance.
Finalement, les discours haineux sont l’occasion de réactiver une vieille question philosophique : comment vivre ensemble avec nos désaccords.