Où c’est que je couche à soir?

1 décembre 2021 | Par Pierrette Denault | Communautaire, Itinérance, vol. 19, no 6

Dans son plan de lutte contre l’itinérance, le gouvernement actuel a annoncé, suite à deux années de consultation, qu’une somme de 280 millions sera versée sur cinq ans pour amener un changement de culture en la matière. Ainsi, le ministre délégué à la Santé et aux Services Sociaux, Lionel Carmant, vise un autre modèle que l’investissement par urgence. Il souhaite un « modèle plus stable » de prise en charge de l’itinérance qui dirigera les personnes sans abri vers des logements sociaux avec service d’accompagnement et de supervision. L’objectif est noble, mais il n’apporte pas de solution à court terme à la crise que traverse en ce moment le Partage Saint-François!  

Par la force des choses 

Les multiples appels à l’aide du directeur général de l’organisme, Sébastien Laberge, finiront-ils par être entendus? « Le Partage St-François est présentement en réflexion pour restructurer l’organisation afin de réduire les services en fonction de ce que nous sommes en mesure de faire face à la réalité actuelle du milieu de l’emploi », précise M. Laberge. 

Décidément, les temps sont de plus en plus difficiles pour les personnes itinérantes de Sherbrooke. Au moment où nous écrivions ces lignes, le service était interrompu, par la force des choses, au Partage Saint-François pour une deuxième (troisième) fin de semaine d’affilée. La cause? Une inquiétante pénurie de personnel. Rempart indispensable pour des centaines d’hommes et de femmes en détresse, cet organisme offre quotidiennement et ce, depuis de nombreuses années, des services d’hébergement et de soutien. Or, voilà qu’on apprenait en octobre que les portes avaient été bel et bien fermées quelques nuits, laissant à la rue des dizaines de personnes vulnérables tant sur le plan physique que psychologique. Il est facile d’imaginer dans quelle détresse cette rupture de service a laissé les personnes qui fréquentent ce centre… Sans abri et ne pouvant pas compter sur les services du Partage Saint-François, plusieurs de nos concitoyens ont dû se dénicher rapido-presto un refuge où dormir. Solution crève-cœur pour certains qui se demandent où ils allaient passer la nuit : des sans abri étaient condamnés à se réfugier sous le pont Joffre alors qu’ils ne demandaient rien de plus que d’être traités en tout respect et avec dignité. 

La pandémie, un facteur aggravant 

On le sait, la COVID-19 a rendu la vie dure à la plupart des gens, mais elle a compliqué davantage celle des personnes itinérantes. Anxiété, solitude, détresse humaine, perte d’emplois, précarité financière, exclusion sociale allant même jusqu’à une cohabitation difficile avec les résidents de quartier : tous ces ingrédients réunis forment un cocktail explosif. De toute évidence, nous sommes face à une crise sans précédent et nous devons agir rapidement avant que la situation ne dégénère davantage et qu’un drame se produise. Le directeur général du Partage Saint-François insiste : « Les ruptures de services sont toujours des risques pour la simple et bonne raison que nous sommes les seuls à offrir les services pour les gens en crise 24/7 au centre-ville de Sherbrooke. Donc, quand nous fermons, il n’y a plus de dépannage alimentaire, plus de distribution de matériel de consommation, plus de milieu d’hébergement d’urgence. » Pouvons-nous imaginer les conséquences désastreuses qui peuvent arriver, s’il n’y a plus de porte ouverte où aller demander de l’aide, si on est mal pris seul au centre-ville en pleine nuit … 

Au Québec, près de 1,2 millions de personnes sont en situation de pauvreté, la moitié vivant à l’extérieur de Montréal. Saviez-vous que dans notre ville, on dénombre plus de 400 personnes vivant en situation d’itinérance. Vous avez bien lu : 400 !!! La pandémie a accru les inégalités entre les riches et les pauvres et on ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Le Journal de rue de l’Estrie invite tous les Sherbrookois et Sherbrookoises à donner généreusement aux organismes qui supportent les personnes fragilisées de manière à leur garantir une continuité des services. N’est-il pas essentiel que tous nos concitoyens aient un toit sur la tête? Et que personne n’ait à se poser cette question : « Où c’est que je couche à soir? » 

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