Qu’est-ce qu’un traumavertissement?
Le nom masculin traumavertissement s’est récemment imposé dans l’usage québécois. On le retrouve même dans les sources les plus formelles, comme le rapport Reconnaître, protéger et promouvoir la liberté universitaire publié par le Gouvernement du Québec en décembre dernier.
On m’a récemment questionné sur le sens exact de ce mot, sur son origine et sur son absence des dictionnaires. Voici donc quelques pistes de réponse.
Un traumavertissement est un message présenté à un public afin de l’avertir qu’un contenu renferme des éléments susceptibles de le troubler, notamment en lui rappelant une expérience traumatique antérieure. Les traumavertissements peuvent accompagner n’importe quels types de contenus (textuels, filmiques, scéniques, scolaires, etc.) et peuvent concerner tous les sujets possibles et imaginables (violence, racisme, sexualité, corporalité, etc.).
Si le mot traumavertissement est un néologisme, le concept qu’il désigne n’est en revanche pas tout à fait nouveau. En effet, cela fait des décennies que l’on affiche des avertissements du genre « Ce film comporte des scènes de violence pouvant choquer certains spectateurs » à la télévision nord-américaine. Cependant, les pratiques et revendications d’une certaine gauche identitaire ont récemment entrainé la généralisation des avertissements de cette nature à un plus large éventail de contenus. Un désir de tenir compte des sensibilités de personnes vulnérables ou ayant vécu des traumatismes était en cause. C’est dans ce contexte qu’a été forgé le terme trigger warning (littéralement « avertissement de déclencheur traumatique »), récemment concurrencé par traumavertissement au Québec.
Le québécisme en question est issu du télescopage (c’est-à-dire de la fusion) des noms traumatisme et avertissement. Il est mis en circulation par la traductrice Audrey Pageau-Marcotte, alias Audrey PM, à l’émission radio-canadienne On dira ce qu’on voudra du 31 janvier 2018. À partir de ce moment, le mot est attesté sporadiquement sur les médias sociaux. Il ne se généralise véritablement dans l’usage qu’en 2021, soit trois ans plus tard.
Le nom traumavertissement est pour le moment absent de tous les dictionnaires, y compris des sources de référence québécoises numériques les plus réactives (Usito, le Grand dictionnaire terminologique, Antidote, etc.). Cette absence ne rend pas pour autant le mot infréquentable, d’autant plus que l’observation de l’usage suggère qu’il est perçu comme normatif par la population. Cela dit, les gens qui n’aiment pas traumavertissement peuvent bien entendu se rabattre sur le terme plus générique avertissement, qui s’y substitue efficacement dans bien des situations.
La chronique linguistique du Journal de rue de l’Estrie livre des informations inédites sur la langue française, notamment sur les particularités du français québécois. Vous pouvez courrieller vos questions et commentaires à son auteur au infos@jdrestrie.ca.
Gabriel Martin, linguiste