Les aînés, de moins en moins pauvres? Vraiment?

Lorsqu’il est question de précarité et de pauvreté chez les personnes âgées, on entend souvent les politiciens, Justin Trudeau particulièrement, dire fièrement qu’ils s’y sont attaqués. Selon eux, ils ont presque réussi à éliminer la pauvreté chez les 65 ans et plus au Canada. Pourtant, sur le terrain, des personnes aînées qui peinent à joindre les deux bouts, il y en a à la tonne.
Mais comment est-ce possible? Depuis 2018, le gouvernement canadien a adopté un seuil de pauvreté officiel qui devrait nous servir à savoir combien de personnes, aînées ou non, vivent en situation de pauvreté. L’attrape? Ce seuil, nommé la Mesure du panier de consommation (MPC), est plus bas que les seuils utilisés auparavant. Et un seuil plus bas signifie moins de gens qui se retrouvent en dessous. Moins de pauvres, quoi! Facile d’avoir l’air proactif quand on change les règles du jeu pour utiliser volontairement un mauvais indicateur.
Bon, il faut bien le laisser à Trudeau, il est vrai qu’il a aussi augmenté les prestations du Supplément de revenu garanti (SRG), montant versé à toutes les personnes âgées de 65 ans et plus ayant un revenu très faible. Grâce à ce programme, seulement 4 % des personnes aînées se trouvent en situation de pauvreté… à condition toutefois de calculer en fonction de la MPC!
Quant à elle, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) préfère utiliser une autre mesure, la MFR-50. Sans entrer dans les détails statistiques, disons qu’elle est supérieure de plus ou moins 5 000 $ annuellement à la MPC. Par conséquent, en considérant cet autre seuil, près de 23 % des personnes aînées du Québec seraient qualifiées de pauvres. Et si l’on ne considère que celles vivant seules, les chiffres sont effarants : 45 %, soit presque une personne sur deux!
Ce qui importe, c’est que bien trop de personnes âgées au Canada se retrouvent au bord du gouffre. Un seul coup de vent, un imprévu, une inflation trop forte risque de les plonger dans le cercle vicieux de la précarité. En les hissant à peine quelques dollars au-dessus de son seuil de pauvreté, notre gouvernement peut se vanter d’avoir éliminé la pauvreté des personnes aînées. Pourtant, la réalité est tout autre : on les maintient dans la précarité sans en avoir l’air! Il est grand temps d’adopter un véritable indicateur de sortie de pauvreté qui donne l’heure juste. Les personnes aînées méritent tellement plus que d’être traitées en statistiques électoralistes!
Rosalie Dupont et Jean-Philippe Benjamin
Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie