Une oasis dans la cité
« Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n’ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
Que je suis votre enfant et que vous êtes là… »
(La Vierge à midi, Paul Claudel)
Église, chapelle, temple, mosquée, cathédrale, ce sont des mots qui nous interpellent, quelles que soient nos croyances et nos valeurs. Ces lieux de recueillement sont des oasis où la luminosité des vitraux, le décor architectural et le silence apaisent et consolent.
Dans la région de Sherbrooke, divers lieux de culte dressent leur flèche au-dessus des cités, et parmi tous ces clochers qui marquent le paysage de Sherbrooke et des environs, la cathédrale Saint-Michel, située sur le plateau Marquette fait partie du décor depuis plus de cent ans.
Ce temple, érigé en quelques étapes, accueille non seulement les croyants, mais est devenu un attrait touristique important tant par son architecture que pour sa riche histoire conservée dans les précieuses archives, témoins de l’essor de la ville et de la région.
Faisons un peu d’histoire…
Dès 1826, une modeste chapelle fut érigée sur le Plateau Market par les catholiques irlandais émigrés dans les Cantons de l’Est. Elle était dédiée à saint Colomban, moine irlandais vénéré par cette communauté.
Les années passant, la ville naissante attirait de plus en plus de Canadiens français qui souhaitaient se recueillir et recevoir les services religieux dans leur milieu de vie. Ainsi, en 1854, un deuxième lieu de culte fut construit à l’emplacement de l’actuelle cathédrale, la façade donnant sur le côté sud. C’est Mgr Prince qui consacra cette nouvelle église à Saint-Michel, désormais protecteur non seulement de la paroisse, mais plus tard du cimetière qui lui fut dédié. Au début du XXe siècle (1926) un cénotaphe représentant saint Michel Archange fut érigé sur la rue King en l’honneur des soldats de la Première Guerre mondiale. Depuis, l’Ange de la victoire, représente la ville de Sherbrooke comme la statue de la Liberté qui identifie New York et la tour Eiffel situe Paris.
Jusqu’en 1874, les paroisses catholiques des Cantons de l’Est étaient disséminées entre 46 cantons et parties de cantons et dirigées par les évêques de Québec (4), de Trois-Rivières (24) et Saint-Hyacinthe (18) dont relevait la ville de Sherbrooke. Le temps était alors venu de regrouper la communauté catholique croissante dans un nouveau diocèse. Le pape Pie IX décréta la fondation du diocèse de Sherbrooke qui comptait quelque 30 000 catholiques.
Au début du XXe siècle, Mgr Paul Larocque avait une vision plus large de la mission du diocèse : il ordonna la démolition de la chapelle et la construction de la cathédrale, orientée vers l’est, respectant les symboles chrétiens de la vie et de la résurrection. La réalisation des travaux fut confiée à l’architecte Napoléon Audet qui récupéra tous les matériaux de l’ancienne église et de l’évêché pour édifier la structure du nouvel édifice.
La construction entreprise en 1915, deuxième année de la première Grande Guerre, contribua à combattre le chômage. Les travaux d’excavation du soubassement de l’édifice (qui s’étalèrent sur deux ans) permirent l’édification de la chapelle Pauline, sous-sol de la cathédrale actuelle, qui servira de lieu de culte une quarantaine d’années.
Ce n’est qu’en 1956 que Napoléon Audet reprit le projet de l’édification de la cathédrale. Il en modifia les plans initiaux qui reproduisaient assez fidèlement la basilique Notre-Dame de Paris pour ériger un bâtiment original de style néogothique épuré avec arcades et ogives qui s’élèvent à soixante-dix pieds.
Depuis 2017, la cathédrale est le lieu de repos de Mère Léonie où, dans la quiétude et le silence, se recueillent de nombreux fidèles venus lui confier leur peine, implorer sa protection ou la remercier pour la prière exaucée. Cette religieuse, béatifiée en 1984 par le pape Jean Paul II, fondatrice des Sœurs de la Sainte Famille, nourrit la foi des visiteurs tant par la simplicité de sa vie que par son engagement au service de la communauté des humains. Un processus de canonisation suit son cours et conduira bientôt, espère-t-on, à la plus haute reconnaissance de cette femme exceptionnelle.
Les portes de la cathédrale Saint-Michel sont ouvertes à tous du lundi au samedi entre 7h et 16h et le dimanche de 9h à midi et de 15h à 18h. En y pénétrant, la douce lumière des vitraux et la couleur chaude des boiseries de châtaigniers qui décorent le sanctuaire apaisent et redonnent la paix en ces jours difficiles.
Ne nous privons pas d’une pause en cette oasis qui appartient à la grande communauté sherbrookoise.
Remerciement à Yoland Bouchard, guide à la cathédrale Saint-Michel, pour l’accueil, les connaissances partagées et sa précieuse collaboration.