La Tête pêle-mêle
Il y a des sujets sans fond. Inépuisables. La maladie d’Alzheimer en est un. On ne compte plus les livres qui traitent de cette terrible maladie; on ne compte plus, hélas, les victimes qui s’accumulent autour de nous. Des parents, des amis, des personnalités connues à qui la mémoire est volée par un vilain crabe dans leur tête. Hélène Lapierre, psychologue et psychothérapeute aujourd’hui retraitée, aborde le sujet par le biais d’un roman réaliste publié cet automne chez Québec Amérique. La Tête pêle-mêle est à la fois une histoire sur le deuil et sur l’amour inconditionnel.
Le deuil blanc
On appelle la maladie d’Alzheimer, le deuil blanc. Le deuil blanc est le type de deuil que l'on ressent lorsqu'une personne atteinte d'un trouble cognitif n'a plus la même présence mentale ou affective que par le passé, bien qu'elle soit toujours présente sur le plan physique. L’auteure démontre avec justesse la disparition du personnage principal de cette histoire. Sous les yeux de ses proches, Françoise s’éclipse petit à petit. Elle s’efface lentement. Elle perd ses repères, son chemin, ses mots. L’hiver s’empare de ses souvenirs. Son déclin donne lieu à des scènes parfois loufoques, souvent d’une infinie tristesse. Françoise erre et s’égare, Françoise parle à ses enfants de pierre, Françoise se répète sans arrêt. Au grand désarroi de toutes les personnes qui l’entourent – son mari le premier, sa fille au loin, sa meilleure amie, ses sœurs – Françoise s’éloigne de jour en jour. Le lecteur assiste à des scènes fort touchantes qui ne sont pas sans lui rappeler qu’on est très près de la vraie vie. Le talent d’Hélène Lapierre réside dans la description de ces moments d’une grande tendresse où les rituels prennent tout leur sens.
L’amour qui éclaire le chemin
Au moment où il apprend la terrible nouvelle, Hubert est loin de se douter de ce que l’avenir lui réserve. Comme bien des proches aidants, il se promet de tout faire pour aider sa compagne. Il se jure d’accompagner Françoise sur le chemin abrupt qui détourne tous les projets qu’ils avaient faits à deux. Mais il s’épuise, s’impatiente parfois, la gronde un peu. Étant vite débordé, il n’hésite pas à demander de l’aide. On accourt de partout, « un essaim d’abeilles autour de lui, une chaîne de solidarité, chacun l’épaule à la roue » - il ne sera pas seul pour franchir les dernières étapes qui s’annoncent difficiles. Mais l’amour est là, partout. La Tête pêle-mêle est un roman tendre.
L’organisation du texte
On apprécie les dialogues, nombreux et efficaces, dans lesquels se révèlent les personnages. L’histoire est découpée en près de soixante-dix courts chapitres dans lesquels s’entremêlent lettres, courriels, paroles de chansons aimées, extraits de poèmes. Hélène Lapierre aime ses personnages, elle les berce, les chouchoute. On les aime aussi.