Il est où, le bonheur ?
Dis-moi, Cass, y’est où l’bonheur ? « Comment ça s’fait que tu arrives encore à sourire, à rire ? Même après ton AVC. Qu’est-ce qui te pousse à te lever le matin ? Malgré ce que tu as, ou plutôt ce que tu n’as plus, tu sembles t’en satisfaire. Pourquoi moi, qui suis en parfaite santé, pourquoi j’ai toujours l’impression qu’il me manque quelque chose ? Dis-moi, c’est quoi ton secret ? »
Tu vas voir, c’est tout simple. Mais dans un premier temps, c’est quoi ça, l’bonheur?
Honnêtement, je ne saurais le définir. Le bonheur, ça dépend de tout, mais ça ne réside dans rien. Le mien diffère du tien. Le bonheur fait partie de ces concepts un peu flous et ô combien relatifs. Alors, tournons-nous vers ce bon vieux Larousse qui nous en donne trois définitions :
- 1. Bonne chance, circonstance favorable;
- 2. État de complète satisfaction;
- 3. Joie, plaisirs liés à une circonstance.
Je me dois de critiquer cette définition. Oui, oui, je me permets de remettre en question les dires de cet ouvrage de référence réputé, utilisé par des milliers de personnes tous les jours. Mon problème avec cette définition, c’est qu’elle représente exactement ce pour quoi on peine à le trouver, ce fameux bonheur. Elle représente l’hédonisme dans lequel on nous apprend à vivre dès notre plus tendre enfance. On nous apprend qu’être malheureux ou malheureuse rime avec loser.
On passe notre temps à chercher à être heureux. Le bonheur, on le veut ici, on le veut maintenant. Comment trouver cet état de complète satisfaction liée au plaisir d’une circonstance ? Comment le trouver au travers de tous ces petits « bonheurs artificiels » qui donnent instantanément un petit boost de dopamine comme pour l’achat d’un nouveau cellulaire, passer une soirée au restaurant à crédit ? L’état de satisfaction que ça procure est éphémère. Mais, c’est ça qu’on recherche, le bonheur à tout prix. Ici. Maintenant. Malgré ce que l’on tente de nous faire croire, ce bonheur est illusoire. Pour l’entretenir, il faut le nourrir, toujours plus. Jusqu’à ce qu’on tombe dans ce cercle d’endettement ou de honte. Tout d’un coup, le plaisir devient moins plaisant. Il amène même son lot de malheur.
Crois-moi, lorsque tu es confronté à un évènement qui bouleverse ta vie, tel un AVC ou un TCC, le bonheur, tu n’y crois plus. Sortir comme avant, consommer comme avant, c’est fini. Quand tu réalises que le bonheur qu’on t’a toujours dépeint ne t’est plus accessible et que tu n’en connais pas d’autres, ben j’te l’dis, y a plus d’espoir. Puis, le temps passe et tu comprends que tu le veuilles ou non, t’es encore là. Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas faire de quoi ? Mais quoi ?
Petit à petit, tu te reconstruis. T’apprends à accepter la situation. Après quelques mois, tu marches à nouveau! Et quel état de satisfaction te procure cet accomplissement! Ce n’est pas l’achat d’un nouveau cellulaire qui te satisfera que quelques mois… jusqu’à ce qu’un nouveau modèle sorte ! Ça, c’est un petit « plaisir éphémère ».
Le Vrai Bonheur, cette petite source de joie éternelle, ça ne te tente pas ? Là, le vois-tu où je veux en venir ?
Pour moi, le bonheur réside dans tout ce qui me rappelle que je suis encore en vie. Passer du temps en famille, manger, jardiner, etc. Tous ces petits moments du quotidien, a priori anodins, c’est ça, mon bonheur. Mon AVC m’a permis de réaliser que toute ma vie, j’ai couru après un bonheur qui était juste là. Oui, j’avais de petits moments de joie, ici et là, mais, comme plusieurs, ce n’était jamais assez. Tous ces « bonheurs artificiels » qu’on essaie toujours de nous vendre, on n’en a pas vraiment besoin ! Je ne sais pas pour toi, mais moi, ça ne me tente pas de vivre dans l’illusion que tout va bien. La course au « bonheur illusoire » m’a peut-être rendue hémiplégique, mais, par-dessus tout, ça m’a donné la chance de comprendre ce qu’est le Bonheur, le Vrai. Et ça, ça n’a pas de prix !
Autant dire que de réussir à trouver le bonheur, m’a coûté un bras ! (T’as pognes-tu, parce que je suis hémiplégique!)
Cassandra Boyer, membre du C.A. de L’Acte
À propos de L’ACTE
L’ACTE est un organisme communautaire autonome ayant pour mission d’offrir une panoplie d’actions et d’interventions, dont le but ultime est l’amélioration de la qualité de vie et la participation sociale des personnes accidentées vasculaires cérébrales et des personnes traumatisées craniocérébrales.