Parcours migratoire de Jehison Herrera
Rien ne destinait Jehison Herrera, ce fils de paysan colombien, à un parcours universitaire. Rien non plus ne laissait prévoir qu’il quitterait un jour son pays natal. Et pourtant… Portrait d’un jeune homme brillant à l’avenir prometteur.

▪ Source : Gabriel Martin © 2023
Jehison arrive au Québec en août 2021. Il est doctorant en biologie cellulaire sous la direction du professeur François Boudreau, sur le campus de la santé de l’Université de Sherbrooke. L’étudiant ne pouvait pas rêver d’un meilleur comité de bienvenue. « À mon arrivée au Québec, confie-t-il, François est venu me chercher directement à l’aéroport de Montréal. C’était un très bel accueil ! »
Jehison étudie les interactions entre protéines dans l’épithélium intestinal. Son espoir : mieux comprendre le développement de certaines maladies, dont le cancer du côlon, afin de les prévenir et les traiter.
En mai dernier, il a obtenu la mention d’honneur du doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, après avoir été sélectionné par son directeur de recherche comme un de ses meilleurs étudiants. De plus, il a récemment reçu une bourse du programme national Triangle, appuyé notamment par l’Association canadienne de gastroentérologie.
Un baccalauréat, une maîtrise, un doctorat
Qui aurait pu prédire ce que lui réservait l’avenir alors que son père, pour fuir la guérilla et éviter la violence, prenait la décision de quitter le petit village de Fusagasugá avec sa femme et ses trois enfants pour la zone rurale de Tabio?
En 2005, à 16 ans, Jehison entreprend ses études à l’Université districtale Francisco José de Caldas, une université publique de Bogotà. Il veut décrocher un baccalauréat en biologie, dans la perspective de devenir professeur.
Comme Tabio est à plus d’une heure de route de la capitale, Jehison doit sortir de chez lui en pleine nuit, à 3 h 45, pour se rendre à ses cours à 6 h – les étudiants colombiens sont habitués à des journées qui commencent très tôt pour permettre aux universités publiques d’accueillir plus d’étudiants chaque jour. Il a alors déménagé un moment chez sa tante qui habitait à Bogotà.
Pour payer ses études, Jehison a travaillé fort, notamment comme maraîcher. Son père agriculteur, qui a été engagé par une compagnie de rosiculture, a aussi participé financièrement en l’aidant avec les frais liés au transport et aux livres.
En 2012, il termine son baccalauréat en présentant une thèse en entomologie médicolégale, à la Faculté des sciences et de l’éducation de son université.
Jehison enseigne ensuite pendant 2 ans au secondaire, puis il est rapidement remarqué par Antonio Huertas de l’Institut national de cancérologie, avec qui il travaille pendant 7 ans. Pendant ce temps, Jehison entreprend une maîtrise en génétique humaine à l’Université nationale de Colombie, l’une des institutions les plus prestigieuses du pays. Il termine sa thèse de maîtrise au début 2021 avec mention honorifique.
Bien intégré au Québec
Son parcours universitaire en témoigne, Jehison Herrera fait preuve d’un haut potentiel intellectuel et d’une curiosité hors du commun. Son grand ami, le linguiste Gabriel Martin, qui l’a connu en lui enseignant le français à l’Université de Sherbrooke témoigne : « Jehison a déployé des efforts herculéens, qui lui ont permis d’apprendre le français québécois avec fulgurance. Il est rayonnant et curieux, brillant et persévérant. » De toute évidence, Gabriel l’admire et adore sa compagnie.
Sa langue maternelle est l’espagnol, mais il a rapidement appris le français. Il cherche aussi à perfectionner son anglais et son portugais.
Il adore marcher en nature, où il se plait à observer la faune québécoise, qu’il apprend à dénommer en français et en latin auprès de son ami linguiste. L’hiver, il adore patiner, un sport qu’il a découvert à Sherbrooke. Très discipliné, il va au gym presque tous les matins. Jehison est le premier de sa famille à suivre des études universitaires, à quitter son pays et à avoir appris d’autres langues.
Rêver grand
Quel destin attend ce chercheur? Réussira-t-il à réaliser son plus grand rêve ? Jehison Herrera est en attente d’approbation pour savoir s’il pourra s’installer au Québec à long terme. Il aimerait rester ici pour faire un postdoctorat sur le microbiote intestinal et continuer ses recherches sur le cancer : « C’est mon rêve de devenir professeur-chercheur au Québec. Ce serait incroyable, mais je serai peut-être contraint de faire mon postdoctorat ailleurs. »
Questions en rafale
Ses animaux préférés du Québec ? « Je trouve deux oiseaux particulièrement mignons : le cardinal rouge ou Cardinalis cardinalis et la mésange à tête noire ou Poecile atricapillus. »
Un plat québécois qu’il adore ? « J’ai découvert le pouding chômeur en venant au Québec et c’est mon dessert préféré d’ici. »
Un plat de chez lui qu’il recommande ? « Je recommande aux Québécois d’essayer l’ajiaco,
une soupe colombienne traditionnelle à base de poulet, de pommes de terre, de maïs et d’herbes aromatiques. Il est facile de trouver des recettes sur Internet. »