L’amour ou l’argent

7 mars 2025 | Par Gérard Favreau | Camelots, Voix libre, vol. 23, no 1

Gérard Favreau, camelot du Journal de rue. ▪ Source : Jean-François Dupuis © 2022.

Aujourd’hui, je veux vous parler d’argent. Plusieurs diront : « Si j’ai de l’argent, c’est parce que j’ai travaillé pour cela, tu as juste à faire comme moi. » Et moi, je leur dirais : « Remercie Dieu de ne pas avoir eu la santé mentale fragilisée. »

On donne 600 000 $ par année à ce que l’on qualifie de « top gun » de la santé. Qu’est-ce que l’on donne à la santé mentale? Pourtant, les personnes présentant une difficulté de cet ordre ont les mêmes besoins que ces super cerveaux, même plus.

Pour ma part, en 2003, j’ai eu besoin de soutien psychologique. J’ai été contraint de faire appel au privé, le système public étant inaccessible dans un délai raisonnable. Lorsque l’on subit un choc post-traumatique, il est primordial de consulter dans les meilleurs délais, sinon les séquelles s’installent de façon permanente. De là l’importance du secteur privé, mais encore faut-il que la personne puisse se le permettre financièrement. C’est grâce à la vente de mes journaux de rue que j’ai réussi à me payer ma thérapie, cela a tout changé pour moi. Lorsqu’il est question de santé, tout le monde devrait avoir droit au meilleur.

L’argent peut changer des vies. Si j’avais à choisir entre l’amour et l’argent, je prendrais l’argent. Je m’explique, j’ai des cataractes, il y a un délai d’un an et demi avant d’espérer une opération. Si j’avais l’argent, j’irais au privé. Je ne suis pas capable de couper mes ongles d’orteil, ça coûte 60$ pour cela. J’ai besoin d’une auto pour me déplacer, j’ai un « bazou », ça coûte de l’argent et en prime, s’ajoute un stress immense de le voir me lâcher à tout moment. Je ne demande pas grand-chose. Si tu as de l’argent et que tu es capable d’aider ton prochain, aide-le, tu peux faire une différence énorme.

Au Canada, nous sommes un pays riche, et pourtant, nous avons une dette de 60 milliards. On a sacrifié les plus démunis de la société, c’est eux qui se retrouvent dans la rue. Nous avons créé un système où tout le monde s’en lave les mains. Chacun pour soi. Un système, ça n’a pas de cœur, ça ne tient pas compte des impondérables de la vie, de cette majorité silencieuse. En 2025, peut-on se permettre d’avoir encore de l’espoir? Lorsqu’il n’y aura plus de personnes à la rue, alors là, je choisirai peut-être l’amour.

Gérard Favreau, camelot du Journal de rue de l'Estrie

Partagez
[TheChamp-Sharing]