Une métaphore de l’existence

1 avril 2025 | Par Jacques Quintin | Parcours migratoire, Philosophie, vol. 23, no 2

▪ Source : Nicole Boisvert ©2011

Mes ancêtres sont des immigrants. J’ai la chance de voyager ailleurs dans le monde; je constate qu’il y a des immigrants partout. Et cela depuis toujours. Socrate, le philosophe grecque, était aussi un immigrant, un sans papier. Se pourrait-il que l’immigration soit le propre de la condition humaine?

Plusieurs immigrants ont immigré pour fuir une condition inacceptable et pour améliorer leur sort. Même si c’est fait volontairement, ils vivent un déracinement. C’est douloureux. Changer de pays, c’est souvent aussi changer de langue et de culture en laissant derrière soi d’autres membres de la famille et des amis. Et s’enraciner, ça prend du temps. Pour le Québec, cela signifie commencer à danser à la québécoise, s’immerger dans la littérature d’ici et chanter les mêmes chansons que celles de ses voisins sans pour autant abandonner sa propre culture et sa propre langue. La médiation de l’histoire devient importante.

Je vois dans l’immigré une personne qui apprend le métier de la traduction, la capacité de passer d’un univers de sens à un autre. Cela nous donne des gens qui ont la qualité de poser un regard neuf sur notre monde actuel.

Pouvons-nous imaginer un Québec sans la présence des Italiens, des Grecs, des Portugais, des Vietnamiens, des Haïtiens et tous les autres, visibles et invisibles ? Il ne faut pas oublier que nous dépendons d’autrui pour devenir soi-même. Car chaque être humain se bâtit sur des différences. Il y a immigration à chaque fois que l’être humain tente de comprendre une autre personne avec son monde. Pas facile !

Il convient de se rappeler que dans tout être humain se cache le rêve de vivre ailleurs. On ressent un besoin de s’arracher à sa condition. Devenir autre que soi nous donne des ailes. Plusieurs oiseaux l’ont compris. Notre pensée est voyageuse. Est-ce le sens premier de la liberté? Les enfants apprennent à quitter le giron de la famille pour l’école. Ensuite, c’est le monde du travail. On cherche constamment à se départir de quelque chose : d’un passé, d’un poids. On veut surtout découvrir d’autres horizons, des trésors cachés, de nouvelles manières de vivre. Alors, on s’intéresse à autrui, on apprend d’autres langues, on initie d’autres relations.

L’immigration n’est pas possible si nous tolérons une seule manière de comprendre le monde. Ce n’est pas pour rien qu’on dit que les voyages forment la jeunesse. Les absolus ne sont plus possibles. Dans tous les idéaux, il y a de l’altérité et des ouvertures qui portent notre regard au loin.

Dans chaque immigrant, il y a une parole qui cherche une expression. Il faudrait l’écouter. Commençons par fréquenter les festivals de cinéma du monde, les littératures étrangères, les musiques d’ailleurs. L’intégration se mesure à la qualité de notre dialogue.

Jacques Quintin, philosophe

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