Changer le monde un mot à la fois
Le Centre d’éducation populaire de Sherbrooke (CEP) offre des services de francisation, d’alphabétisation et d’intégration socioprofessionnelle à la fois pour la population québécoise et les personnes immigrantes... Nawel Amokrane, directrice du centre, fait appel à deux apprenants au CEP qui acceptent de me raconter leur histoire et ce que le CEP a changé dans leur vie.
Hamadou Garba, 49 ans, originaire de la République centrafricaine, arrive au Québec le 30 juin 2022. Son avion se pose à Montréal et il passe directement du Tchad à Sherbrooke. Il ne parle ni ne comprend le français et ne sait pas écrire son nom. À l’automne de la même année, il s’inscrit au CEP.
En République centrafricaine, il est propriétaire d’une boulangerie et d’un petit parc d’élevage de moutons, ses revenus sont minces, juste assez pour que ses enfants franchissent la frontière en voiture avec sa femme et sa mère. Accompagné de son neveu, il les rejoint à pied en passant par la brousse au camp de réfugiés à Dossey, nous sommes en 2014. Après huit ans au Tchad, Hamadou arrive au Québec avec sa femme et ses six garçons. Un septième naîtra au Québec.
Hamadou est reconnaissant envers le Centre d’éducation populaire, puisqu’un de ses sept garçons a aussi fréquenté
l’organisme. Sa vie à Sherbrooke l’enchante. Sa santé s’est grandement améliorée et son quotidien est « plus paisible ». Au CEP, il a développé des amitiés et apprécie la solidarité entre les apprenants, un noyau s’est formé. Son plus grand bonheur est d’avoir appris le français et, surtout, à écrire.
Béatrice Sevendioo, 53 ans, quitte la République centrafricaine où sa maison est incendiée et fuit vers le Tchad en traversant la rivière avec ses enfants pour atteindre son point final en Afrique : le Cameroun. Mère de onze enfants dont trois sont décédés, Béatrice arrive à Sherbrooke en 2017, enceinte, sans conjoint, accompagnée de cinq de ses enfants âgés aujourd’hui de 7 à 22 ans. Faute d’argent, ses deux garçons âgés de 24 et 30 ans n’ont pu la suivre. L’un demeure au Cameroun avec sa grand-mère, l’autre au Tchad. Avec un grain de tristesse dans la voix, elle me confie que « c’est très difficile pour une mère ». Ses débuts au CEP sont ardus puisqu’elle ne parle pas notre langue, est analphabète et ignore comment tenir un crayon entre ses doigts puisqu’elle n’a jamais écrit. Rapidement, le CEP devient « comme ma maison, les gens sont attentionnés et je me sens comprise. » Elle peut apprendre à son rythme, ce qui la rassure. Aujourd’hui, elle peut lire un peu et sa grande fierté est de pouvoir écrire son nom. Elle a une identité. Elle aime le Québec pour l’éducation que reçoivent ses enfants.
Le Centre d’éducation populaire a reçu le prix Solange–Chalvin 2024 visant les projets novateurs pour l’apprentissage du français pour les nouveaux arrivants.

▪ Source : Luc Breton © 2025

▪ Source : Luc Breton © 2025
