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Gérard, un battant au passé difficile

1 octobre 2014 | Par Geneviève Kiliko | Camelots

Gérard Favreau, qui a grandi sur la rue Wellington au cours de son enfance, a fait son entrée dans le Journal de rue en 2003. On ne pourrait pas s’imaginer que derrière ses lunettes se cachent les yeux d’un homme qui a vu la détresse humaine de près et cela, à un très jeune âge. Gérard Favreau est ce qu’on pourrait appeler un résilient. Grâce à cette résilience, il peut aujourd’hui nous raconter les événements marquants de sa vie, et même s’il éprouve toujours des difficultés à les comprendre, il regarde vers l’avant et espère que demain lui apportera des jours meilleurs.

Gérard
Gérard Favreau est impliqué au journal de rue depuis onze ans. Il a ainsi connu les débuts du Journal de rue de Sherbrooke qui fête cette année sa douzième année de production. On peut rencontrer Gérard tous les vendredis au Axep Marché Prospect, situé au 1124 rue Prospect, coin Victoria.

Gérard Favreau a débuté les premières années de sa vie d’une façon assez « rude », si l’on peut dire de cette façon. Sa mère a tenté de le poignarder lorsqu’il était enfant, et elle a voulu se poignarder par la suite. Cet événement a laissé derrière lui des cicatrices qui demeurent fraîches, même après plusieurs thérapies de toutes sortes. « Quand j’étais enfant, personne ne parlait de ça, c’était le silence absolu. Y’a personne qui est venu vers moi et qui m’a ramassé. C’est comme deux coups de marteau : y a le traumatisme et après y a le sentiment d’abandon. Tout le monde t’abandonne là-dedans et tu es un enfant », me confie Gérard. La détresse psychologique laisse malheureusement encore beaucoup de traces dans la société et particulièrement dans la vie des enfants.

Gérard n’est pas le dernier enfant de sa génération à avoir « goûté » aux conséquences désastreuses de la santé mentale, cette problématique est très actuelle et s’aggrave considérablement au fil du temps. La principale conséquence : la santé mentale engendre la santé mentale, assez logique n’est-ce pas? Gérard a commencé à consommer de l’alcool à l’âge de 16 ans et à l’âge de 25 ans, il a fait sa première psychose toxique. Il a eu tellement peur qu’il a fait une thérapie à Jean Lapointe, thérapie étant basée sur 12 étapes. Suite à cela, il a fréquenté les « meetings AA » pendant de nombreuses années. En veut-il encore à sa mère? « Non, je n’en veux plus à ma mère d’avoir fait ça. Je l’ai haïe pendant longtemps, mais j’ai pris soin de cette blessure-là. J’ai encore de la colère, mais ça fait partie de ma dynamique intérieure. C’est inoubliable ce qu’elle m’a fait, ça ne s’oublie pas… », me dit Gérard.

Gérard a été sobre pendant 23 ans. Il a travaillé à la « PPD » pendant 10 ans, une petite « shop » de plastique où il fabriquait des pièces de Skidoo. Suite à cela, il a travaillé à son compte; il avait un petit camion et il faisait des « jobines ». Il a aussi travaillé au Village grec pendant 7 ans.

À l’âge adulte, il a reçu l’aide d’un psychologue pour l’aider à vaincre le choc post-traumatique qu’il a eu. C’était très difficile pour lui d’entretenir des relations avec les femmes, et c’est encore une chose à travailler aujourd’hui. Il s’est fait conseiller de se faire masser par une femme, afin de l’aider davantage. « C’est dans le corps aussi le traumatisme. Au début, je paniquais de me faire toucher par une femme, mais à la longue, ça me fait du bien. Ça m’a permis d’apprivoiser les femmes », me confie Gérard.

Lorsqu’il a rechuté au cours de la quarantaine, sa rechute était en lien avec les femmes. Il voulait établir des contacts avec celles-ci, mais il ne savait pas de quelle manière s’y prendre. Il s’est donc mis à vendre de la coke, en se disant qu’il allait avoir l’occasion de vivre des expériences avec les femmes. « Le monde ne me croit pas quand je dis ça, mais je ne faisais pas ça pour l’argent; j’avais un char, un loyer, etc. Il aurait fallu que je sois plus patient », affirme Gérard. Ce désir mal exprimé de renouer avec les femmes l’a conduit en prison. La vraie prison et sa prison intérieure : celle de la consommation. Heureusement, ces évènements font aujourd’hui partie de son passé.

Gérard en est maintenant à sa sixième année au Journal de rue. Il aime être camelot pour le journal. « Ça apporte beaucoup quand tu es accueilli, tu te sens respecté. Tu te sens bien, le monde te reconnaît, ça t’apporte de l’estime », me confie Gérard. Il continue ses rencontres aux AA et tente d’avoir une bonne hygiène de vie. Après toutes ces années qui ont été parsemées d’épisodes ardus, que pourrais-tu dire aux jeunes qui éprouvent des problèmes de consommation? « Tout est possible, on peut s’en sortir. C’est sûr qu’il y a des bouts que c’est moins le fun, des bouts fragiles (tout le monde a des bouts « down »), mais y a des affaires qui se tassent. Y en a qui peuvent guérir intérieurement les blessures; on est tous à la recherche de ça… », me dit Gérard.

Gérard est sans aucun doute un homme sur lequel on pourrait prendre exemple : ne jamais arrêter d’essayer d’atteindre le bonheur. Dans la vie ce qui est important c’est d’avancer, qu’importe si on a tombé en le faisant. Tout comme l’enfant qui trébuche, on se relève et on continue… Et qui a dit que la chute ne nous propulsait pas vers des chemins insoupçonnés? Bonne continuation Gérard!

Merci Gérard pour ta bonne humeur et ton engagement, de la part de toute l’équipe du Journal de rue. On t’apprécie beaucoup!

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