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Errance et identité

1 février 2018 | Par Cesar Celestino Costa | Voix libre

Depuis mon enfance, je ressentais un besoin viscéral de fuir mon pays d’origine, le Brésil, pour voyager à travers le monde et vivre comme un nomade. À l’âge de 21 ans, en 1994, je suis parti en Allemagne, en Angleterre et dans d’autres pays dans une errance étourdissante qui a culminé avec mon immigration au Québec en 2008. 

Cesar Celestino Costa
Cesar Celestino Costa, originaire du Brésil, vit au Québec depuis 10 ans.

J’entendais un appel qui me disait d’aller à la rencontre de nouveaux paysages, de personnes parlant d’autres langues que la mienne. Je me souviens d’avoir toujours eu hâte de gouter des plats exotiques dans des coins lointains du monde où je pouvais m’exposer à d’autres mœurs, d’autres mentalités. 

Aussi loin que je me souvienne, j’avais la conscience aiguë d’avoir une identité morcelée, éparpillée, floue. Ainsi, souvent angoissé, j’allais me chercher loin, soit dans un autre cadre culturel ou dans une autre conception religieuse ou philosophique. Mon désir d’élargir la perception de moi-même, de me laisser dévoiler, était irrésistible. 

Je garde en mémoire mes jours glorieux dans la ville de Güselyurt, sur l’île de Chypre où, chaque jour, j’entendais les appels pour la prière venant d’une mosquée. J’étais autant enchanté lorsque je marchais sur une rue perdue, mystérieuse, essayant d’éviter les voitures qui se lançaient vers mon corps. J’ai déjà vagabondé sur les rues d’Amsterdam avec des jambes gigantesques, portant un sentiment de mort imminente. Plus tard, il est né dans mon cœur une passion d’une beauté quasiment charnelle pour Paris, New York, Londres, Bagdad, Orlando, Damas et Jérusalem. 

Peut-être aurait-il fallu que je vive des expériences bouleversantes pour que je puisse accepter d’être inconfortable dans ma propre peau, pour laisser jaillir mon désir de me métamorphoser sans cesse et aller sonder les méandres de ma nature. 

Mon idéal sera toujours de pouvoir contempler le monde dénué d’un regard conditionné par ma culture, mon sexe, ma nationalité et ma religion, un regard qui n’est pas seulement la projection de ce que je porte d’inacceptable en moi. Or, je ferai ce qu’il faudra pour éveiller en moi une personne libre et totalement inclassable, afin de pouvoir percer les failles de mes masques et éventuellement rompre avec l’image que je me fais de moi-même. 

Dans mon acharnement à vouloir me connaître davantage, la remise en question de ma propre identité était ma plus grande révélation. Si jamais je devais me définir par des mots, je dirais que je suis Brésilien, Canadien, Tunisien. Au fond de mon être, je suis noir, athée, juif, animiste, musulman, femme, homme, autant qu’un arbre, un oiseau, une rivière qui coule… 

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