L’épiphanie de la diversité et de l’amitié
«Bananée» au lectorat du Journal de Rue de l’Estrie, au moment où j’écris ceci. Je suis en train de consommer une fête à la fois religieuse et païenne: la Fête des Rois, l’Épiphanie quoi!
Première étape
Commande à l’avance la (les) galette(s) pour ne pas être paumé ce jour-ci. Mon ami belge l’a faite pour moi. Pour les pseudo-traditionnels, soyez indulgents avec lui plus tard dans le texte: il en est à sa première fois.
Deuxième étape
Vérifie et informe-toi de l’état de ta galette. Chaque famille a sa recette et ses rites qui lui sont propres, mais il y a tout de même un minimum. Le produit fini devrait ressembler au moins à un soleil (donc à un gâteau rond et plat, avec un possible motif ensoleillé dessus), avec une fève fourrée à l’intérieur et le tout accompagné d’une couronne dans le sac. Cette galette déterminera fort probablement si tu perpétueras cette tradition avec tes proches ou non l’année suivante (les pseudo-traditionnels de cette fête sont temporairement exclus de ce raisonnement pour des raisons qui sont hors de mon contrôle).
Troisième étape
Reproduis autant que tu veux et autant que tu peux chaque étape nommée précédemment. Oui, car, contrairement à ces fêtes qui ne se fêtent qu’une fois par année (Nowël, Jour de l’Un, la tienne), l’Épiphanie est pour presque tout (et exclusivement) le mois de janvier. Les pseudo-traditionnels peuvent se rabattre à une seule par année. Mais, au grand jamais, nous ne verrons Frangipane et Marzipan se tenir autant ensemble.
Sous-étapes
Nous sommes rendus à la préparation des rites. Voici les sous-étapes à suivre religieusement et dans l’ordre: la personne qui commande la galette des Rois la coupe à parts égales, en toute intimité, dans sa cuisine; elle y refourre la fève (qui peut être en céramique dure ou en plastique mou) si besoin est; elle met une serviette par-dessus pour prévenir toute tricherie; allant du plus jeune au plus ancien, on choisit sa part.
Celui ou celle qui croque dans la fève est élu roi/reine de la journée. Il en revient à chaque famille de choisir ce que cela implique en tant que tel, mais c’est à peu-près ça.
Six janvier 2018, 11h11
Mon ami et moi suivons à la lettre le rituel « épiphanique ». Ah, ai-je oublié de mentionner que le roi/reine doit impérativement être choisi à la fin de la journée? Mille et une excuses. Comme des goinfres, nous consommons la galette à part entière. L’aîné devient roi de la journée. Le plus triste dans cette histoire, c’est que Marzipan ne s’est pas pointé chez Frangipane dans cette galette. De plus, la
pâte supposée « feuilletée » de cette traditionnelle galette goûtait le supermarché. Ah, et ai-je aussi oublié de préciser que « le beurre, on ne peut s’en passer »? Même la pub des producteurs laitiers d’ici le dit! Pour avoir commandé la galette dans une prétendue boulangerie pleine de richesses, à 26$ le 8 pouces, je suppose que pour le Roi Faux-Mage ça peut être satisfaisant aussi? Ne nous limitons pas à ce qui est là lorsqu’il y a tellement mieux plus loin. Et, la solitude, comme on le dit si bien en anglais, c’est sick. En ce moment festif, tout le monde peut participer et contribuer à sa façon avec les moyens du bord.
Sept janvier 2018, 1h37
Première insomnie dans toute mon existence. Deux hypothèses me montent à l’esprit: soit je suis trop énervé à revoir la gang d’amis de Montréal et des environs (comme je l’ai dit tantôt, tous les jours de janvier sont bons pour fêter), soit que je n’arrive pas à digérer le King Cake de la veille. Un peu plus, et je me dis que cela manquait de citron… eurk, eurk, eurk. Le vieux et moi partons de Sherbrooke à 7h13, direction Joliette.
Ouverture de parenthèses. Shiraz, le berger australien, a été nourri et cajolé avant le départ. Non, il n’est pas venu avec nous. Pourquoi? Parce que, à cinq dans un véhicule, c’est tassé, voilà tout. Ne vous énervez pas pour lui, pas pour ce voyage-ci. Fin de la parenthèse.
Jan-Léopold et moi déjeunons au McDo à 8h07. Même cette junk ne peut nous enlever le poids de l’autre dont je n’arrête pas de chialer (railler, râler). J’ai le droit, non? Bref, nous repartons d’Ange-Gardien, après un plein (en essence et en bedon, mettons) à 8h31.
Nous sommes rendus au point de rendez-vous au métro Atwater («Mourrial») à 9h40. Nous récupérons deux amies, deux immigrantes bien établies, une Russe et l’autre Roumaine, Marie-Noëlle et Marcella. Non, je ne parlerai pas du stationnement à Montréal, for God’s sake. Lisez mon dernier article nom de Nom!
11h09, Joliette. Religieusement, nous retournons voir cet endroit (Le Café du Roy sur la rue Manseau) où ils moulent un de ces cafés dont même le nom te fait du bien: Jeanne d’Arc. Un caractère corsé, affirmé et riche, comme toute personne bien entretenue peut le devenir. Je n’aime pas les cafés, mais celui-là, tu serais chauvin de l’ignorer. L’ami belge, par pure innocence et peut-être un peu par ignorance, se paie du Jamaican Mountain Blue. À ne pas confondre avec du Mountain Dew, je vous prie. Faites votre recherche: ce grain jamaïcain est la Cadillac des cafés.
Nous sommes arrivés chez Dolorès, notre amie Ojibwé, autour de 11h45. Zvono, en train d’entretenir le feu dehors, est le premier à nous accueillir. Chacun apporte une expérience liée à la tradition de l’Épiphanie. Par exemple, j’apprends que l’origine des Rois mages n’est pas précisée dans les récits bibliques (seul l’Évangile selon Matthieu les mentionne), sauf qu’ils viennent d’Orient. J’apprends aussi qu’une réinterprétation a été écrite autour du VIe siècle, où l’on ajoute les noms et la description desdits Rois mages: Gaspard, un jeune imberbe rouge de peau qui apporte le l’encens, symbole reconnaissant la nature divine du bébé Jésus de Nazareth; Balthazar, un noir qui a une barbe, lui offre de la myrrhe, symbole utilisé pour embaumer les morts, mais aussi pour ses propriétés médicinales; et Melchior, un vieux aux cheveux blancs avec une longue barbe qui donne de l’or, symbole de royauté, à ce divin nouveau-né. En Bulgarie, on fête ce jour en dansant à moitié plongé dans l’eau froide (les hommes, en tout cas). En Espagne et dans le Sud de la France, la galette se fait remplacer par la còca (une brioche). On dit que ça pogne là-bas. Comme quoi cette fête s’adapte en fonction de l’origine de ses participants!
Retenons ainsi l’essentiel: trois étrangers rassemblés dans une seule galette. Comme quoi la bouffe, ça nous rassemble et ce, malgré parfois notre manque de ressemblances. Obélix l’a déjà chanté: « Quand l’appétit va, tout va »! Je me demande comment cela se fête, l’Épiphanie, dans une famille autochtone. On pourrait essayer ça, l’année prochaine? Être ensemble, c’est la différence entre faire partie des gens bons plutôt que parmi juste de bonnes gens. Bon appétit!