Les portes du cœur
J’enseignais le français dans des écoles de la région depuis trente ans. En juin 2002, la cloche s’est tue... J’ai fermé la porte de ma classe et de longues plages de temps se sont étirées devant moi… Il fallait les habiter!
Au hasard d’une rencontre, quelque deux ans plus tard, le monde des immigrants m’a ouvert ses portes. J’y ai vu un défi à relever! J’ai ressorti crayons, grammaire, épousseté mes connaissances de la langue française et, depuis ce temps, j’enseigne le français à de nouveaux arrivants une demi-journée par semaine, dans les locaux de Famille Espoir sur la rue Dunant.
Chaque mardi, j’ai devant moi des personnes de trente à soixante ans environ qui veulent parler et écrire notre langue malgré toutes ses difficultés, qui veulent comprendre notre culture, s’intégrer à notre milieu, être acceptées, reconnues, respectées dans leur intégrité. J’ai devant moi des personnes qui ont quitté leur pays, des parents, des amis, leur travail, qui doivent tout recommencer à zéro, des personnes qui ont des espoirs mais aussi des peines, des peurs, des blessures à l’âme et au cœur.
Je les admire, je les aime. J’apprends d’elles le courage, la détermination, l’espoir des recommencements. Je me suis enrichie de leur culture, que ce soit celle de la Colombie, du Pérou, de la Corée du sud, de l’Afghanistan, de la Roumanie, de la République tchèque, du Brésil, etc. Je me suis parfois frottée à leurs différences; par exemple, on n’a pas tous la même définition de la ponctualité… mais j’apprends alors la tolérance.
J’enseigne le français aux immigrants! Je le fais encore avec passion et plaisir. Je reviens toujours heureuse de cette matinée par semaine passée avec eux. J’essaie de leur donner plus que des connaissances. Je m’investis sur un plan que je qualifierais de personnel. Par exemple, quand c’est leur anniversaire, je leur donne une carte et leur écris des « beaux mots ». Je suis à l’écoute de leur vécu. Je leur ai souvent ouvert les portes de ma maison. Je veux leur donner le visage de l'accueil et de la présence. Je leur ouvre les portes de mon cœur!
