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Interculturalisme

Enfant de la loi 101

1 avril 2018 | Par Kimélie Daviault, élève de cinquième secondaire à l’école Le Salésien | Interculturalisme

Depuis la création du Canada, plusieurs lois sont apparues et ont révolutionné la société. Plusieurs d’entre elles promeuvent la langue française : la Loi 63, La Loi 22, et la Loi 101. Cette dernière fait du français la langue officielle du Québec. C’est en 1977 que cette loi a vu le jour, et cette année on fête ses 40 ans et plusieurs ont voulu en parler pour voir si cela a fait une différence dans la vie des nouveaux arrivants ou non. Stéphane Leclair, journaliste des grands reportages ICI RDI, en a discuté avec plusieurs individus dont des nouveaux arrivants, des spécialistes et des enfants de la Loi 101. Il leur a demandé s’ils se sentaient québécois. Après avoir visionné son reportage, je me suis posé la même question : est-ce que je me sens québécoise, moi qui suis sino-canadienne et adoptée? 

 

J’aimerais essayer de clarifier la définition d’être québécois. Est-ce parler français? Être blanc? Avoir un arbre généalogique dont les racines sont québécoises? Honnêtement, je ne peux pas donner de réponse précise, très simplement car il n’y en a pas. Lorsqu’on se sent québécois, on l’est. C’est aussi simple que cela… Enfin, ça devrait l’être! Plusieurs croient qu’il y a des critères précis pour appartenir à une nation en particulier. Par contre, d’autres se considèrent comme tels, mais n’ont aucun de ces critères. Ils parlent cantonais, arabe ou anglais, ont la peau noire, jaune ou brune et sont nés en Afrique, en Corée du Sud ou au Pérou.  

Je me sens québécoise, car dans ma famille, on m’a appris à me percevoir comme une québécoise. Non pas qu’on refusait ma part de nationalité asiatique, mais je n’en parlais jamais et j’ai toujours évité ce sujet, même si on m’ouvrait la porte régulièrement. Lorsque je suis arrivée dans ce pays, mon cerveau a pensé : nouveau pays, nouvelle nationalité et je n’ai jamais eu de grande  attirance envers le pays qui m’a vu naître. Je n’avais pas non plus de figures asiatiques à la télévision, à la radio ou dans les magazines lorsque j’étais plus jeune qui auraient pu me servir de modèles. J’ai appris à devenir québécoise, en pensant que le monde autour de moi me percevait comme moi-même je me percevais… c’est seulement lorsque j’ai grandi que j’ai réalisé que ce n’était pas le cas et que, simplement à cause de mon physique, je suis et resterai pour toujours, pour eux, une Chinoise et non une Québécoise. Cet été, j’irai en Chine pour la première fois depuis 15 ans et, lorsque j’arriverai là-bas, je ne pense pas me sentir comme une des leurs à part entière, comme je ne me sens pas comme une Québécoise au même degré que ma mère, mon père ou mon frère. La Loi 101 nous aide les nouveaux immigrants à ressentir un plus grand sentiment d’appartenance. Celle-ci est aussi supposée nous inclure dans la définition du mot « Québécois ».  

 « Et aujourd’hui, de me dire québécoise, non seulement c’est naturel, mais c’est aussi pour moi une façon de dire que ce n’est pas juste d’être blanc et francophone et d’être née d’une famille caucasienne qui fait en sorte que tu es québécois. Quelqu’un comme moi (sino-japonaise) peut aussi être québécoise et puis, je pense que dans cette affirmation de me dire québécoise, il y a aussi ce désir de démontrer que le Québec d’aujourd’hui, ça ressemble à ça aussi, et ça ne ressemble pas seulement à un Québécois francophone, caucasien, de souche. Cette identité-là peut être à plusieurs visages. » Cathy Wong, née au Québec de parents sino-japonais, a dit tout haut ce que je ressens tout bas. 

Pour ma part, je suis chinoise, je n’ai pas la peau blanche, mais pourtant, je me sens autant québécoise qu’une native. J’ai été adoptée à l’âge d’un an et j’ai grandi au Québec, à Sherbrooke, une ville qui ne compte pas beaucoup de nouveaux arrivants comparée à Montréal. Étant donné que je côtoyais peu de personnes originaires d’ailleurs qu’au Québec, je n’ai pas baignée dans une autre culture et c’est pour cette raison que je ressens un plus grand besoin d’appartenance à la culture québécoise. Je me sens québécoise à 80%, car au fond de moi, je sais que toute ma vie s’est bâtie ici et que, malgré le fait que je ne suis pas née au Québec, j’ai la même culture, je parle la même langue, j’ai les mêmes traditions et je connais autant son histoire que la majorité des personnes de mon âge. Pourquoi pas 100%? Parce que j’ai l’impression que les autres ne me font pas sentir comme tel. Lorsque des personnes me posent des questions sur mes origines, je leur réponds que je suis québécoise, mais que je suis née en Chine. Ils me répondent souvent : « Ah, mais tu es quand même chinoise? » Comment leur répondre que je ne me sens pas vraiment chinoise et que la seule raison pour laquelle je me sens comme cela est à cause de la société qui me pousse à penser de cette façon?  

Grâce à tous ces éléments que je partage avec un Québécois natif : la culture, les traditions, l’histoire et la langue, je me sens québécoise, mais aussi chinoise grâce à mon physique et à l’attachement que je ressens envers ce pays qui m’a bercée un an. J’espère de tout cœur qu’un jour, je pourrai m’affirmer en tant que québécoise sans que quiconque ne me dise que je ne le suis pas simplement à cause de mon physique. J’espère aussi que la Loi 101 servira aux générations futures et les aidera à ressentir ce sentiment d’appartenance, même envers un pays qui ne les a pas vus naître. 

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