L’autre, c’est moi
Richard Paré est un ambassadeur exceptionnel de La Chaudronnée. Il se fait un devoir de traiter chaque personne qu’il croise là-bas de la façon dont lui-même a aimé être traité, il y a quelques années, en allant y chercher de l’aide. On l’a accueilli tel qu’il était, sans idée préconçue. À son tour d’appliquer chaque jour le proverbe amérindien « Avant de juger son frère, il faut avoir marché plusieurs lunes dans ses souliers. »

Être bénévole aujourd’hui auprès de cet organisme, c’est un juste retour d’ascenseur après en avoir été un usager durant plusieurs années alors qu’il vivait une grande détresse physique, psychologique et financière. « C’est l’accueil des intervenants qui m’a sauvé. Sans leur chaleur, sans leur respect, je serais mort, affirme-t-il avec conviction, j’étais un homme fini et ils m’ont aidé à remonter la côte, à me reconstruire. Aujourd’hui, je suis membre du conseil d’administration et membre du comité des usagers, c’est ma manière de remettre au suivant. »
Un être profondément humain
Tout commence avec un sourire. C’est sa façon de saluer les gens. « Si l’autre me répond par un sourire, je le salue, je lui demande son prénom et je le retiens. Tout le monde aime être appelé par son prénom, c’est son identité, sa marque. Certaines personnes acceptent que je leur tende la main. Être touché physiquement, c’est sans doute difficile parfois, mais j’aime entrer en contact avec ce geste. » L’homme manifeste beaucoup de cordialité et on le lui rend bien. Pendant l’entrevue que nous menons, ils seront plusieurs à venir le saluer d’une tape dans le dos, à lui serrer la main, lui souhaiter une bonne journée.
Chaque matin, en plus d’être à l’accueil, Richard sert le café, le déjeuner, ramasse et lave les cabarets et travaille au jardin. « Je ne suis pas seul, je suis entouré d’une belle équipe du Carrefour jeunesse emploi et de bénévoles. Avec l’été qu’on vient de passer, le jardin a produit généreusement, mais il fallait être vigilants car le soleil tapait fort et on devait arroser plus souvent qu’à l’habitude. » Richard est un pionnier de l’écologie. Il a toujours considéré la terre comme une sœur aînée qui nous materne, qui prend soin de nous et dont on doit prendre soin à notre tour. Par ailleurs, l’équipe du Journal de rue de l’Estrie peut compter sur l’aide de Richard pour la livraison des journaux, et son coup de main est fortement apprécié. Richard est également disponible pour témoigner de son expérience de vie dans la rue auprès de la clientèle de l’organisme IRIS Estrie.
Un parcours en dents de scie
La maman de Richard meurt très jeune. On lui trouve vite un substitut dans cette famille de 12 enfants : sa sœur aînée, à qui il doit une fière chandelle. « Elle et mon beau-frère m’ont toujours supporté. » Il garde un souvenir impérissable d’un père travaillant d’une lueur à l’autre sur la terre. Il y a deux Richard Paré : le jeune adulte était souffrant, isolé – il lui arrivait de passer des semaines sans pouvoir entrer en communication avec personne, sauf avec ses démons qui l’ont mené vers la criminalité et le goût de mourir. En 2015, tout a basculé : sa santé mentale se stabilise grâce au support des intervenants sociaux, mais surtout à cause de ses efforts de chaque jour. Au fil des années, il a vu l’évolution des soins en santé mentale et physique en participant à des groupes de recherche. Depuis, il est à l’écoute de son corps, respecte scrupuleusement sa prise de médication, fait de la méditation pleine conscience dans son petit logement (une sorte de dojo où il parvient à se recueillir et à rentrer en lui-même). « Maintenant, je suis en paix avec moi-même, je suis sorti de l’enfer! »
Ressourcement
Richard applique dans sa vie les principes de la simplicité volontaire : pas de dettes, pas de télé, pas d’ordinateur. Quand il entre chez lui, dans son petit sanctuaire, il écoute la radio, une habitude qui lui vient de son enfance. Il est un fan des émissions littéraires – il adore l’émission de Marie-Louise Arsenault, Plus on est de fous, plus on lit – et écoute des reportages, continue de s’instruire. Il a fait son secondaire à East Angus et souhaite saluer au passage un prof qui lui a donné le goût de lire et de respecter la langue française, Charles Labrie.
Des témoignages élogieux
Lucie, intervenante, n’a que des éloges au sujet de ce bénévole : « Richard est un cadeau pour notre organisme! C’est un agent à tout faire en qui j’ai pleinement confiance. On lui délègue une responsabilité et on est assuré que le travail sera fait. Il a même les clefs de la remise du jardin. » Pour sa part, Nathalie Léveillée-Lessard, une habituée de La Chaudronnée, témoigne de la gentillesse de Richard. « Il est remarquable, il salue tout le monde avec un sourire doux, il parle à tout le monde et j’apprécie qu’il me fasse des câlins. Il dégage une belle énergie! »
On le voit, Richard Paré est la bienveillance incarnée. Quand on lui demande ce qu’il ressent à la fin de sa journée comme bénévole, voici sa réponse : « En retournant chez moi, je me sens un homme complet. Je suis si heureux d’être en vie! »