Les multiples visages du racisme
L’être humain rencontre régulièrement des difficultés dans sa vie. Il en attribue souvent la cause à Dieu, au gouvernement, au capitalisme ou à certaines couches de la population comme les pauvres, les immigrés, les Autochtones, les Arabes ou les Noirs. Il existe ainsi un besoin de trouver un bouc émissaire à nos peines, comme si l’être humain repoussait hors de sa sphère privée l’altérité pour protéger son identité. Sans s’en rendre compte, ce rejet de l’autre affaiblit son être au lieu de le nourrir. En fait, toutes les violences, qui peuvent prendre la forme du racisme, du terroriste ou de la barbarie, s’inscrivent dans des sentiments et des discours de haine, plus spécifiquement dans ceux de la peur. Dès lors, le racisme est un autre visage du protectionnisme identitaire.
Le racisme est l’aboutissement d’une logique, celle qu’il y a un modèle unique à suivre dont il ne convient pas de douter. Tout écart face à cet idéal de vie est perçu comme une monstruosité, quelque chose d’impur ou d’inhumain. Dans ce cas, puisque l’autre, qui fait peur en raison de sa différence, est le responsable de tout désordre, il devient permis de le diaboliser et de le déshumaniser, par conséquent de l’exterminer.
C’est pourquoi il est nécessaire de dénoncer haut et fort l’inacceptable. Par contre, désirer déboulonner les monuments historiques qui ne méritent pas d’être honorés me semble douteux. Cette logique reproduit à sa manière cette monoculture de l’esprit qui limite la capacité de penser selon la richesse du monde rendant du même coup possibles le racisme et toute forme d’exclusion. Au lieu de déboulonner ces statues, je propose que nous érigions pour chaque décès injuste un monument pour commémorer la résistance à toutes les formes de racisme.
Ces monuments ne représentent pas une menace. Le danger provient davantage de notre faible enthousiasme pour la pensée réflexive. Effacer les traces du passé est le propre des régimes totalitaires. La force de ces monuments odieux, c’est bien qu’ils nous invitent à penser l’inacceptable. Sinon, nous risquons de ne plus avoir de repères pour nous sensibiliser à la souffrance d’autrui.
Devant notre passé, pas toujours glorieux, la réduction au silence ne convient pas. Au contraire, il convient d’apprendre à vivre avec les parts d’ombre et les interprétations en tension qui habitent notre conscience. En ce sens, la présence des autres est appréciée pour son apport à la reconnaissance de la part d’impureté qui nous habite.
Il en va de notre démocratie qui se fonde sur le pluralisme des modèles de vie. Il ne s’agit plus de penser la société à partir de ce que nous avons en commun ni d’établir des règles pour le vivre ensemble dans l’indifférence, mais selon un acte de partage, celui de réfléchir ensemble le monde que nous souhaitons faire advenir. Toutefois, la lutte pour le pouvoir sur le Mal génère paradoxalement son lot de malaises, si nous ignorons que la réalité se raconte de plusieurs manières et jamais de manière univoque.
Jacques.quintin@usherbrooke.ca 819-823-8868
