Porter le deuil blanc et se transformer

1 octobre 2020 | Par Sandra Tremblay | Culture, vol. 18, no 5

Un deuil blanc est vécu lorsqu’un proche atteint d’un trouble cognitif n’a plus la même présence mentale ou affective que par le passé, bien qu’il soit encore présent physiquement. C’est aussi devoir faire un détachement précoce d’une personne chère qui est encore vivante.

Le deuil est synonyme d’absence, mais le mot blanc amène quel sens à cette expression ? Il peut évoquer l’espace entre deux mots, entre deux moments. Le blanc est parfois la couleur liée aux rituels de passage, du vêtement de celui ou celle qui va changer de condition (baptême et mariage, par exemple). Il me fait penser à la brume, au flou, à la transparence, au vertige, au silence, à l’angoisse de la page blanche. Le blanc peut nous sembler vide, c'est pourtant la teinte obtenue en mélangeant la lumière de toutes les couleurs. Le processus du deuil, quel qu’il soit, nous amène à faire face au présent, à goûter à l’effacement. On y mesure l’écart entre douleur et joie que le souvenir fera dans notre être.

La dernière année a été pour moi marquée par le déclin de la santé de mon père atteint d’Alzheimer. Lors des moments passés avec lui dans la maison familiale, j’ai noté dans un cahier certaines de ses paroles, quelques-uns de ses gestes et comportements dans lesquels j’ai vu vibrer de la poésie. Par cet acte de collectionner les traces, j’ai maintenant l’impression de mieux connaître l’homme qu’il est.  Cela me révèle ce qu’il représente pour moi. Il habite désormais dans un CHSLD depuis le mois de juillet.

Je suis artiste en arts visuels. Ma vie a du sens quand je crée. Je m’équilibre en jouant avec peinture, papier, tissus, collage, théâtre d’ombres et les symboliques qui s’en dégagent. Je m’intéresse à la manière dont les pensées se matérialisent par le langage artistique.

Tracer, superposer, couper, plier, assembler, déchirer, douter, effacer sont des mots qui caractérisent mes processus de création. C’est aussi un vocabulaire qui s’applique à nos relations humaines et à nos manières de réagir.

Créer des œuvres en puisant dans le deuil blanc et les désordres cognitifs de mon père me fait avancer. Certaines toiles réalisées dans ce contexte sont troublantes et teintées d’absurde, alors que d’autres sont d’une abstraite légèreté anodine.

Pour voir quelques toiles plus d’information, rendez vous sur mon site web.

les mots sont des truites qui se faufilent
Aphasie (les mots sont des truites qui se faufilent), acrylique sur toile de 30 x 40 pouces, de l’artiste Sandra Tremblay.
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