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vol. 18, no 6

Au-delà d’une guerre de maux ; Quand on ne peut plus dire des mots…

1 décembre 2020 | Par Jan-L. Munk | vol. 18, no 6

Ces derniers temps, si je me vois répondre presque toujours en disant « Par où commencer? », c’est que j’étais dans ce cours de Verushka Lieutenant-Duval, professeure suspendue par l’Université d’Ottawa pour avoir utilisé un mot jugé raciste (le mot commençant par n).  

Cette professeure voulait démontrer dans le cadre de son cours L'art et le genre que certains groupes minoritaires ont réussi à transformer la charge insultante d’un mot en se le réappropriant, afin de se doter d’une meilleure prise en charge de leur identité. Il est vite apparu que certains enjeux linguistiques vont bien au-delà de l’Office de la langue française... 

Du jour au lendemain, cette professeure s’est fait mettre au pilori dans les réseaux sociaux parce qu’elle a osé prononcer un mot qui, pour certains, n’est retenu que pour sa charge insultante lorsqu’émis de la bouche d’une personne de descendance européenne. J’ignorais sincèrement qu’il fallait être afro-descendant pour prononcer le mot en question, ce, même dans le but de louanger ce groupe pour leur stratégie de se doter d’une fierté identitaire. 

Jeune, j’ai chanté, dansé, joué au soccer avec des gens d’origines diverses. J’ai travaillé avec des gens que je n’ai jamais eu à définir selon leur origine raciale. Ai-je été naïf ou aveugle à un racisme apparemment encore existant? J’ai vérifié auprès des gens d’origine africaine tant au sein de ma propre famille que chez mes amis proches ce qu’ils pensaient de toute cette histoire; la plupart ne comprennent pas la rhétorique en cours, sauf les plus jeunes, qui présentent des arguments tranchés. 

Cependant, au-delà des jeux sophistes, il importe de distinguer l’intention d’insulter quelqu’un – ce qui relève d’attitudes et de préjugés intérieurs – de la volonté d’étudier objectivement le racisme systémique dans notre société et de réfléchir, entre autres, aux conséquences des micro-agressions, même non intentionnelles.  

À titre d’exemple, j’ai un intérêt – disons plutôt une fascination – pour l’histoire et la géographie, au point où je questionne quiconque sur ses origines. Étant moi-même issu d’une famille immigrante, je n’ai jamais considéré ce genre de question comme une offense. Dernièrement, par contre, j’ai constaté que cela a été retenu par certains comme une forme de micro-agression. Dans un cas, avoir clamé mon innocence n’a pas été suffisant. J’ai eu la chance d’avoir été corrigé assez gentiment. J’en retire de l’expérience qu’il importe de s’ajuster afin de considérer l’autre dans ce qu’il juge respectueux ou non. Mais je me questionne cependant sur les maux engendrés par ces questions de mots, comme cette condamnation populaire qui a affligé la professeure Verushka Lieutenant-Duval. 

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