Catégories :
vol. 19, no 1

Une chance, vraiment ?

1 février 2021 | Par Monique Turcotte | vol. 19, no 1

Le mot chance dont on fait usage au gré des conversations et des informations est défini dans les dictionnaires comme « un hasard heureux, une bonne fortune ». Hélas, il est utilisé trop fréquemment à mauvais escient, et ce, même de la part de gens lettrés, laissant entendre le contraire de ce que le messager veut exprimer. Le mot « chance » en appelle au bonheur non à un malheur ou à un échec. « Courir sa chance » c’est aller vers un mieux-être, une amélioration de sa condition de vie tandis que « courir le risque », c’est plutôt se mettre en situation de perte, d’échec, voire de fiasco.  

Voyons quelques situations de communication lues ou entendues, expressions qui nous induisent en erreur par l’utilisation fautive du mot chance.  

Si on conduit sur des routes enneigées sans de bons pneus d’hiver sur la voiture, on nous met en garde en disant que l’on court la chance d’avoir un accident. Une chance, vraiment? La réalité n’est-elle pas plutôt que l’imprudent prend le risque d’être victime d’un accident ou d’en causer un à une personne innocente?  Par ailleurs, si on achète un billet de loterie, on aura une probabilité ou une chance de gagner, mais aussi le risque de perdre son pari. 

D’un réfugié qui attend qu’un pays l’accueille, on peut dire qu’il y a des possibilités que des frontières s’ouvrent et lui offrent une vie meilleure. Il attend sa chance, mais plus le temps passe, plus il risque de devoir prendre le chemin du retour vers son pays natal.  

Est-ce que l’étudiant démotivé, qui procrastine, qui n’assiste pas régulièrement à ses cours, prend la chance ou le risque d’échouer à ses examens ? Et celui qui s’implique dans ses études n’accroît-il pas ses possibilités de réussir, voire la chance d’obtenir des résultats au-delà de ses espérances ? 

Le mot chance s’insinue sournoisement dans nos conversations, car il induit une idée de bien-être auquel chacun aspire. On aime croire à sa chance. 

On s’est habitués à cet emploi erroné du mot chance comme à tant d’autres expressions qui imagent nos conversations et qui désarçonnent les nouveaux arrivants qui peinent à maîtriser les pièges de notre langue et trébuchent sur le sens erroné dont on émaille nos propos. Un autre exemple courant : pourquoi conseille-t-on à ceux qu’on aime de maintenir un régime de vie équilibré sans lequel ils courent la chance de développer diverses pathologies? Une chance de développer des pathologies est-ce le sens que l’on veut donner à notre message? Ne souhaite-t-on pas plutôt mettre en garde du risque de courir un danger prévisible?  

Afin de transmettre un message clair et précis, il serait pertinent de nous soucier de la précision du mot choisi, de recourir aux nuances de notre langue riche et variée qui propose des choix de mots conformes au message que, comme locuteur, on souhaite transmettre. 

Évaluons les probabilités, évitons les risques, profitons de notre chance et, comme le chantait Jean-Pierre Ferland :  

« Une chance que j’t’ai 
Je t’ai, tu m’as 
Une chance qu’on s’a » 

Partagez
[TheChamp-Sharing]