Mobiliser les sens, la mémoire et l’imaginaire
À tout âge, une personne peut vivre l’aventure créative, puisque l’expression prend de multiples formes au cours d’une vie. Comment reconnaitre l’inspiration quand elle se pointe? À partir de quoi crée-t-on ?
Nos cinq sens captent diverses stimulations extérieures et constituent ainsi des matières renouvelables pour le jeu d’associations créatives. Au fil des jours, les sons, images, odeurs, aliments, sensations nous construisent. Dans notre mémoire organique, il y a ainsi des archives secrètes inépuisables, parsemées des restes du passé et de notre bagage inconscient. Il existe un plaisir simple à développer l’acuité de filtration de cette mémoire en mobilisant les matières présentes autour de nous et l’imaginaire.
L’intuition est intégrée à l’expression. Elle provient de l’intime acte de brassage de sédiments intérieurs; fermenter, remuer, écumer les traces expérientielles qui émergent. L’acuité d’être présent à ce qui apparaît agit comme un filtre. Créer, c’est faire une série de choix mettant en relation les éléments filtrés qui sont à première vue dépareillés, sans nécessairement que le résultat émis soit destiné à être original, historique, payé, ou exposé. C’est une manière de faire du ménage en soi en plaçant à vue ce qui est en dessous de la pile des sensations accumulées, si l’on veut. Ainsi, n’ayant parfois nul besoin d’interlocuteur, la simple joie de traduire ces sensations en traces dans la matière est satisfaisante. Certaines personnes tracent à la craie sur les trottoirs, d’autres dessinent, réalisent des toiles, composent des chansons, sculptent du bois, écrivent leur autobiographie. Par ces actes minutieux, la personne qui crée vit un sentiment de cohérence, son regard tourné à la fois vers sa vie intérieure et vers le monde.
On dit d’une source qu’elle est continuellement en mouvement, telle l’eau vive. Ainsi, la curiosité vers différents sujets et l’expérimentation est importante pour alimenter ses sources d’inspiration.
Que faire quand on manque d'inspiration, qu’on a le sentiment d’être embourbé dans une eau stagnante?
Les résistances à l’élan sont souvent l’autocensure, la lourde attente du regard approbateur de l’autre ou parfois, c’est la surabondance d’idées qui fait embâcle. Pour activer le geste créatif, on peut d’abord identifier ses résistances, puis observer les matières disponibles autour de soi. Se permettre un peu de temps et d’espace pour saisir papier, crayon, ciseaux, retailles, peinture, bâton de colle, guitare, puis ne plus penser, mais agir par intuition. Peu importe comment cela prend forme, mais faire le geste pour soi sans viser le beau ou le bien fait. Il est possible d’y découvrir un espace pour se comprendre et être compris par l’autre dans un désir de changer quelque chose dans sa vie. Parce qu’être en action est une réponse saine au stress.
Une citation du peintre Pierre Soulages s’applique bien ici : c’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche.