Que vaut une œuvre d’art ?
Les médias titrent régulièrement les prix démesurés pour des œuvres vendues : un Van Gogh à 80 millions, un Riopelle à 8 millions, etc. Face à l’acquisition d’une œuvre d’art, souvent les gens ont tendance à s’exprimer curieusement : « C’est bien trop cher ! Combien ça t’a pris de temps pour réaliser ton tableau (x fois 15 $ de l’heure) ? Tu me la vends combien (traduction, peut-on négocier le prix)? » Finalement, qu’est-ce qui détermine la valeur d’une œuvre d’art ?
Si nous faisons fi des collectionneurs, des galeristes, des représentants de musées, des grandes maisons d’enchères qui s’accordent tous sur la valeur marchande, le commun des mortels se sent incompétent pour estimer le prix d’une œuvre. On tente alors d’y aller avec des critères connus : l’importance de l’artiste; le succès de ses ventes; le prix d’œuvres similaires en région; surtout, notre capacité et limite à investir dans l’œuvre convoitée. Ce qui résulte en une grande quantité d’admirateurs… et peu d’acheteurs.
D’abord, il faut savoir reconnaître l’art. C’est l’histoire d’une femme qui ne connaît rien de l’art et qui achète une grosse toile dans une brocante au montant de 5 $. Une fois installée dans le salon, elle trouve la toile trop colorée, mais ses amis lui font remarquer qu’il s’agit d’un Pollock… l’œuvre vaut des millions (le titre du documentaire : Who the #$%! Is Jackson Pollock). Le prix d’une œuvre n’est pas lié essentiellement à l’esthétisme.
Certains spécialistes comparent une œuvre d’art à la vente immobilière (critères de la taille de la toile-maison, le style, la réputation de l’artiste tout comme un quartier prisé, prix de l’offre et de la demande). C’est réducteur comme pensée. À Sherbrooke, l’artiste bien connu Ultra Nan, est conscient que le milieu de l’art est devenu un milieu pécuniaire. « Je vends mes œuvres entre 50 $ et 500 $ car j’estime que l’art doit être accessible à tous. On ne doit pas spéculer sur le génie de l’artiste. Il doit exister une certaine corrélation entre le travail de tous les professionnels, peu importe que leur discipline soit du domaine de la santé, de la construction ou de l’art. »
Même coup de pinceau venant d’un autre artiste sherbrookois, Kog, dont les œuvres recyclées ne dépassent jamais les 100 $. « Les recettes en arts, où l’on reconnaît la signature visuelle de l’artiste parce qu’il en a fait une marque de commerce, émergent du profit et de la vente au détriment de la création, de l’art en lui-même. C’est l’argent et la popularité qui sont à l’honneur. En ce sens, il est permis de se questionner sur le fait même d’indiquer un prix sur une œuvre. »
En tant que société, quelle somme d’argent sommes-nous prêts à investir pour conserver, protéger ou acquérir une œuvre d’art ? Sans répondre, regardez le film Monuments Men dans lequel près de 350 soldats-spécialistes, de treize nationalités différentes, ont pour mission, durant la Seconde Guerre mondiale, de récupérer les œuvres d’art volées par les Allemands.
Aujourd’hui, quelle somme d’argent, en tant qu’individu, êtes-vous prêt à investir pour que les artistes vivent de leur art ?