Les mots-hérissons transsexuel, transgenre et trans
Récemment, un proche qui cherchait en vain des éclaircissements m’a demandé ceci : « Veux-tu bien me dire si les mots transsexuel, transgenre et trans sont des synonymes? »
Voilà une question bien plus épineuse qu’elle n’y parait. Certains mots, faut-il le souligner, sont comme des hérissons domestiques : les âmes naïves s’en approchent comme s’ils étaient inoffensifs, mais quiconque s’est déjà risqué à manipuler ces avenantes créatures sait qu’il suffit d’un faux mouvement pour les voir se hérisser et lâcher des soufflements de défense intimidants… dignes d’un percolateur possédé!
Les mots qu’on me soumet, je le dis sans badinerie, sont des mots-hérissons : ils sont aptes à soulever les passions, à causer du brasse-camarade aussi bien que des tempêtes intérieures. On gagne donc à les employer avec précaution. Je m’aventure pour ma part à en parler ici, animé par le désir de transmettre mes observations.
Alors, que disent les sources de référence sur nos trois mots-hérissons? Le dictionnaire Usito contient des définitions simples, similaires à ce qu’on trouve dans la plupart des sources généralistes : il indique que transsexuel, transsexuelle se dit d’une personne « qui a changé de sexe » et que transgenre concerne une personne « dont l’identité sexuelle ne correspond pas à son sexe biologique ». Le Grand dictionnaire terminologique y va pour sa part d’une définition conforme à la terminologie militante et tout en nuances, en affirmant qu’une personne trans est celle « qui a une identité de genre différente de son genre assigné à la naissance, qu’elle modifie ou non son expression de genre ou son corps pour les faire concorder avec cette identité. »
Que comprendre? Tout simplement que transgenre et trans sont des synonymes et que leur sens est relativement générique : ces adjectifs s’appliquent à toute personne dont le genre véritable, ressenti intimement au plus profond de soi, ne concorde pas avec ce qu’a déclaré le médecin à la naissance. L’adjectif transsexuel, pour sa part, est plus spécifique : il réfère exclusivement aux personnes trans qui auraient décidé de vivre une intervention chirurgicale pour modifier certains attributs sexuels de leur corps.
Ajoutons à cela que la distinction entre personnes transgenres et personnes transsexuelles est estimée attentatoire dans certains milieux. On y considère que le terme transsexuel devrait tout bonnement être abandonné au profit du générique transgenre, jugé plus solidarisant. En outre, on tend de plus en plus à remplacer l’adjectif transgenre par son synonyme trans, car ce dernier terme efface formellement l’opposition soutenue par les deux autres.
Que retenir donc? En cas d’hésitation, il est préférable de parler d’une personne trans et d’éviter les mots transsexuel et transgenre, qui sont plus clivants et donc controversables, voire blessants.
La chronique linguistique du Journal de rue de l’Estrie livre des informations inédites sur la langue française, notamment sur les particularités du français québécois. Vous pouvez courrieller vos questions et commentaires à son auteur au infos@jdrestrie.ca.
Gabriel Martin, linguiste