Normaliser le handicap

5 juin 2023 | Par Andréa Maheux | Communautaire, vol. 21, no 3

Âgé de 70 ans, Raymond Cyr, directeur général d’Handi-Capable, se déplace en fauteuil roulant à temps partiel. Il est en mesure de marcher, mais seulement sur de courtes distances. Il garde aujourd’hui des séquelles de son enfance, période où il a été victime de maltraitance physique.  Militant pour les droits, le bien-être et l’indépendance des personnes avec un handicap moteur, il juge que la situation des personnes handicapées s’est améliorée depuis 1965, mais qu’il reste du chemin à faire.

L’organisme et Handi-Cité

Les handicaps se présentent sous différentes formes. Seulement 4 % des personnes handicapées physiques se déplacent en fauteuil roulant. Sur la photo : Raymond Cyr, directeur, ainsi que Danielle Bergeron, secrétaire-trésorière d’Handi-Capable. © Andréa Maheux

Les locataires d’Handi-Cité, immeuble affilié à Handi-Capable, habitent dans un endroit sécuritaire et adapté à leurs limitations où l’on prône la prise en main des personnes avec un handicap moteur. Un salon commun et diverses activités favorisent la participation sociale. Ici, l’individu est perçu dans son intégrité, avant son handicap. La mission de l’organisme est de mettre en valeur les capacités des personnes handicapées, leurs habiletés et leurs talents, tout en développant une opinion positive d’eux-mêmes. L’entraide et la vie en communauté forgent le sentiment d’appartenance, le travail d’équipe et la solidarité, des valeurs très importantes chez Handi-Capable.

Aider les usagers à s’épanouir

Les personnes en situation de handicap sont nombreuses à vivre de l’isolement et de la pauvreté. C’est pourquoi il était primordial pour Raymond Cyr de les aider à s’épanouir et à passer par-dessus leurs obstacles. « Ce sont des personnes qui ont toujours eu de la difficulté, qui ont été reléguées et relayées, soutient-il. On les désigne comme des incapables en raison de leurs incapacités. Chez Handi-Capable, ils sont reconnus comme étant des personnes capables. Pour nous, l’autonomie n’est pas le fait de marcher comme toi, mais plutôt de trouver les ressources pour compenser. Handicapé n’est pas synonyme de bon à rien. »

Il admet cependant que les personnes handicapées sont souvent en retard par rapport à celles sans limitations. « Quand tu installes un pneu de secours sur ta voiture, tu ne peux pas rouler aussi vite que l’autre. On compense, on se tire d’affaire, mais ça exige plus d’efforts, ça prend plus de temps et c’est moins réussi », soulève-t-il. M. Cyr met de l’avant les capacités de débrouillardise de ses résidents. Même s’ils ne partent pas de la même base que les autres, ils parviennent toujours à un résultat similaire. De plus, à titre d’Autochtone, il renchérit en disant : « Nous, les handicapés physiques autonomes, sommes plus près de l’Esprit que les autres, car pour se tenir à flot, on doit fournir beaucoup plus d’efforts. »

Un manque de financement criant

Bien qu’il soit employé, Raymond Cyr travaille sans compter et il lui arrive de travailler bénévolement chaque semaine. Handi-Capable reçoit du financement de l’Agence de la santé et des services sociaux et d’Emploi-Québec, notamment. Pour le reste, l’organisme doit subsister avec les dons des communautés religieuses, de fondations et des entreprises.

En parcourant le site web de l’organisme, on lit que « Le maigre financement du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur accordé à Handi-Capable (anciennement La Fourmilière) a été transféré au Conseil du trésor, puis versé annuellement par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Estrie. À ce financement s’est ajouté celui du Programme de soutien aux organismes communautaires. » « Nous ne sommes pas beaucoup financés, affirme Raymond Cyr. Nous sommes les enfants pauvres de la société. Le CIUSSS prétend faire le même travail que nous sauf que pour l’assumer, il faut le démontrer par une action, des gestes. C’est pour ça qu’ils nous acceptent, ça concrétise leur rôle. »

Cela dit, une phrase restera à jamais gravée dans la mémoire de M. Cyr. Alors qu’il fréquentait la communauté chrétienne, une religieuse lui a levé son chapeau : « Vous êtes un exemple clair de la charité chrétienne, lui a-t-elle dit. Vous êtes une personne pauvre frappée d’incapacités qui aide les personnes pauvres frappées d’incapacités. » Pour le directeur d’Handi-Capable, avoir une reconnaissance de ces personnes signifiait beaucoup plus que d’avoir celle du système de santé.

La stigmatisation de la chaise roulante

Lorsqu’on pense à un handicap, on réfère souvent à ce qui est visible. Pourtant, selon Handi-Capable, seulement 4 % des personnes handicapées physiques se déplacent en fauteuil roulant alors que 80 % sont affectées d’handicaps dits invisibles du fait qu’ils sont imperceptibles au premier regard.

« La chaise roulante est devenue une icône pour désigner un handicapé, se désole Raymond Cyr. Dans les stationnements, c’est toujours un logo de chaise roulante. » Il croit donc que cette image porte à l’erreur, car elle ne représente qu’une minorité des personnes handicapées. Dans un futur proche, il souhaite que les gens reconstruisent leur image envers les personnes en situation de handicap moteur.

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