Revivre après la dépendance
Vivre avec une dépendance est éprouvant, mais il y a une vie après la toxicomanie. Le Domaine Perce-Neige a constaté une hausse des demandes de services en matière de toxicomanie depuis la pandémie. Plusieurs réalités se rejoignent dont celle de ceux ayant sombré pour la première fois et celle de ceux qui ont coulé encore plus profond.
Selon Mme Lambert, travailleuse sociale au Domaine Perce-Neige, la consommation est un problème englobant plusieurs facteurs. Pour s’en défaire, il faut, entre autres, savoir d’où elle vient. Un des modèles utilisés par les professionnels de ce milieu est le cycle d’assuétude, aussi connu sous le nom de cycle de la dépendance.
Le cycle de la dépendance
Développé par le psychologue Stanton Peele, ce modèle est utilisé par divers milieux de santé partout dans le monde. Il stipule que la consommation provient d’éléments déclencheurs comme des évènements ponctuels tels un divorce ou encore des traumatismes durant l’enfance. Dès que l’angoisse se pointe le bout du nez, la personne affectée peut sombrer rapidement dans la recherche de solutions afin atténuer la souffrance. Ainsi, chez la personne dépendante, des comportements exutoires tels que la consommation de substances psychoactives se manifestent. Certes, l’apaisement est de courte durée et se traduit en sentiment de honte et de culpabilité.
Cet outil aide la personne à prendre conscience de la façon dont s'est installée la dépendance dans sa vie. Au Domaine Perce-Neige, le suivi est personnalisé et au rythme de l’individu et c’est pourquoi, lors d’une rechute par exemple, l’intervention se concentre sur des solutions alternatives à la consommation et les raisons derrière l’apparition de la rechute.
Selon Statistiques Canada, en 2019, environ 4 % des Canadiens ont déclaré avoir consommé au moins une drogue illégale. Parmi ces consommateurs, la cocaïne était la drogue la plus couramment consommée (2 %) et elle représentait environ la moitié (49 %) de la consommation des drogues illégales. Cette catégorie comprend, entre autres, la cocaïne, l'ecstasy, les méthamphétamines, les hallucinogènes, les inhalants, l'héroïne et la salvia.
Remonter à la surface
« C’est difficile de vivre une vie normale si on n’a pas entrepris les changements nécessaires, exprime Mme Lambert. La plupart des gens qui consomment sont intenses dans leur recherche d’effet. Ils ont habitué leur cerveau à obtenir un résultat en consommant une substance. Le défi est de réapprendre au cerveau à fonctionner différemment, à fonctionner de nouveau normalement. Par exemple, un toxicomane qui consomme beaucoup de cocaïne pour se garder en éveil doit apprendre à trouver d’autres méthodes alternatives saines pour un même résultat. Pour quelqu’un de nature intense, c’est comme si je lui demandais de choisir entre une Lamborghini sur une autoroute à six voies ou une bicyclette dans une petite route de campagne chaotique. » La personne a une chance de se réhabiliter en apprenant à son cerveau à faire des efforts pour atteindre la récompense au lieu de chercher un effet instantané.
Toutefois, il arrive que la personne ne soit pas prête à arrêter. « Si elle est en contemplation, elle sait qu’elle a un problème, mais ne veut pas arrêter, ce sera toujours le “Oui, mais…” », affirme-t-elle. La prochaine étape est celle de la préparation. L’individu admet son problème et il est prêt à le régler. « Il faut que le changement vienne de la personne afin d’avoir une meilleure chance de réussite », avoue la travailleuse sociale.
Mieux comprendre la dépendance
La consommation est un problème biopsychosocial, c’est-à-dire qu’elle implique des facteurs psychologiques, sociaux et biologiques. Au Domaine Perce-Neige, cette approche proposée par le médecin psychiatre Engel est mise en place afin de prendre en compte tous les facteurs liés à une meilleure réhabilitation.
« La dépendance est complexe, explique Mme Lambert. Ça vient en partie de la substance, du contexte et de l’individu. C’est l’ensemble de tous ces facteurs qui déterminera si une personne devient dépendante ou non. »
Selon elle, il importe d’en parler, car si on garde le silence, c’est comme si le problème n’existait pas. Par la suite, il faut entreprendre une action. Mme Lambert travaille en grande partie avec une clientèle judiciarisée. Elle souhaiterait donc que la consommation soit moins marginale et qu’il y ait davantage de financement en sensibilisation/prévention/traitement plutôt qu’en répression. « Depuis 15 ans, les mentalités changent et on en parle de plus en plus. Les professionnels de la santé se sont éduqués », se réjouit-elle.
De l’aide spécifique et de l’espoir
Le Domaine Perce-Neige se spécialise en réadaptation des adultes aux prises avec une dépendance à l’alcool, aux drogues ou aux médicaments. Parmi les services offerts, il y a l’hébergement, des activités éducatives, de la thérapie de groupes, du suivi individuel ainsi que du soutien familial afin de sensibiliser les proches sur la dépendance au besoin. En parallèle, le Domaine Perce-Neige s’assure de fournir toute l’aide nécessaire au bon rétablissement en mettant en place des services connexes tels que des suivis médicaux, des travaux compensatoires pour la clientèle judiciarisée et d’offrir un pont avec des ressources communautaires, le milieu judiciaire et un programme de réinsertion sociale.
Leur centre d’hébergement en dépendance, situé au 142, chemin Moulton Hill à Sherbrooke permet d’accueillir 65 personnes ayant comme objectif de reprendre le contrôle de leur vie en se libérant du fardeau de la consommation.
Mme Lambert invite les personnes touchées par les troubles d’usage de substances à chercher de l’aide : « Faut pas se conter de mensonges, c’est difficile de s’en sortir. Sur le coup, ça peut ne pas avoir l’air attrayant, voire effrayant de se dire “Tu ne consommeras plus, tu vas avoir une vie organisée et tu vas devoir changer complètement ta façon de penser pour y arriver”, mais c’est réalisable. Faut semer de l’espoir, parce qu’il y a une vie après la toxicomanie. »