Un remède à la résignation

12 février 2025 | Par Gabriel Martin | Camelots, Histoire, Livres, vol. 23, no 1

Au Québec, la désillusion suscitée par l’état du monde est endémique et parfois profonde. « La terre se meurt, l’injustice prolifère... et rien ne va s’améliorer! », déplorent les cassandres désabusées, le poing de l’indignation dans les airs, une pointe de résignation dans le regard. Heureusement, un pas de recul suffit pour agrandir le panorama et sauver du désespoir.

Livraison directe est en vente à la librairie Appalaches. Les profits des ventes iront au Fonds des camelots.

En effet, s’il est vrai que les forêts de la planète brûlent, que les glaciers polaires fondent, que les bombes pleuvent sur l’Europe et l’Afrique, s’il est vrai aussi que de riches tyrans continuent de s’enrichir par l’exploitation des ressources et des êtres, il n’en demeure pas moins que, parallèlement à ces horreurs, de petits bastions solidaires bourgeonnent et subsistent dans la banalité quotidienne. Il suffit d’observer les gens pour s’en rendre compte : l’esprit d’entraide est inscrit dans la nature humaine; à contrecourant de l’individualisme culturel, il persiste irrépressiblement au sein de nos sociétés.
Le Journal de rue fait partie de ces forces vives, humaines par essence, qui canalisent efficacement les volontés résolues vers des actions aux retombées tangibles.

Fondé en 2002 par Lise Boulanger, une citoyenne elle-même vulnérable financièrement, l’organisme se fixe dès ses débuts pour mission de combattre la précarité et l’exclusion par la production et la vente d’un journal. Ouvert à toutes les plumes, le périodique communautaire se donne alors pour mot d’ordre d’être la « voix des sans voix ».

Depuis, l’arbre a porté ses fruits. En deux décennies d’existence, le journal a permis à plusieurs dizaines de camelots de gagner leur vie tout en brisant l’isolement avant, justement, que l’isolement ne les brise. De plus, les activités de production et de financement menées au fil des ans ont mis en action des centaines de bénévoles, bien souvent extirpés à leur tour de la solitude et du désœuvrement par leur implication. L’organisme réunit aujourd’hui autour d’une même cause plus d’une centaine de collaborateurs de tous âges, qui se pronoment il, elle ou iel, des peu-lettrés comme des érudits, issus des milieux populaires jusqu’aux plus nantis.

La popularité du Journal de rue n’est sans doute pas étrangère à la personnalité rassembleuse de Nancy Mongeau, qui le dirige avec flair depuis 2013, de concert avec une solide équipe. Le succès de l’organisme s’explique certainement aussi par sa capacité à répondre à des besoins réels, ceux des plus vulnérables tout comme ceux de volontaires en quête d’appartenance.

Alors que bien des gens ont développé un sentiment d’impuissance face à leur situation personnelle ou aux maux de leurs pairs, le journal leur offre quelques moyens pour prendre en main leur embarras. Sans prétendre tout régler, le Journal de rue offre un lieu différent — une hétérotopie aurait dit Foucault —, qui aide bien des citoyens et citoyennes à passer de la marge au cœur, de la rupture au lien, du mépris à la fierté, de la résignation à l’action.

Gabriel Martin, directeur adjoint du Journal de rue de l'Estrie

 

Ce texte est extrait du recueil Livraison directe, au cœur du Journal de rue. Vous pouvez vous procurer cet ouvrage à la Librairie Appalaches ou le commander en ligne sur le site Les libraires (www.leslibraires.ca). Tous les profits de la vente seront remis au Fonds des camelots du Journal de rue afin d'organiser des activités sociales ou de couvrir des besoins de base. Encouragez-nous !

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