La rafle des années soixante
La conscience collective commence à s'éveiller sur les torts subis par les peuples des premières nations. Au cours de la dernière année, on a beaucoup entendu parler des corps d’enfants retrouvés près des pensionnats, mais peu de gens connaissent ce qu’on appelle la « rafle des années soixante » : une vague d'adoptions menée par le gouvernement canadien qu’on qualifie maintenant d’enlèvements d’enfants autochtones.
Plus de 20 000 jeunes auraient été confiés à des parents catholiques contre le gré de leurs parents. Voici une entrevue menée avec l’une des victimes de cette politique d’assimilation.
JDRE - Parlez-moi un peu de la « rafle des années soixante » et de votre vécu.
Cathy - La Rafle a été la continuité des pensionnats autochtones. Nous croyons qu’elle n'a jamais vraiment cessé et nous l'appelons maintenant le « millenium scoop ». En 1971, le quart des enfants de statut autochtone se faisaient enlever de leur famille pour être mis en adoption.
Ma mère adoptive était une femme catholique polonaise. On lui avait dit que mes parents biologiques ne s’étaient jamais présentés à l’audience pour mon adoption. J'ai donc grandi en pensant que mes parents ne voulaient rien savoir de moi. C'est seulement en rencontrant mon père biologique que j'ai découvert que mes parents me cherchaient depuis ma naissance! Ma mère biologique n'avait que 17 ans quand elle s'est présentée seule à l'hôpital pour accoucher. Ils l'ont endormie et lui ont pris son bébé.
JDRE - Est-ce que vous percevez des changements dans la façon dont les gens agissent envers vous depuis que vous savez que vous êtes autochtone?
Cathy - J'ai reçu mon statut en 2015. Ils ont révoqué mon privilège blanc. Même si la culture autochtone m’était complètement inconnue à ce moment-là, ils m’ont donné un numéro et je suis maintenant catégorisée aux yeux du gouvernement. J’ai l’impression d’avoir moins de droit depuis que j'ai mon statut. Par exemple, si je vais à l'hôpital et coche la case « autochtone » sur le formulaire, on m'envoie dans une salle d'attente où ils s'assurent que je ne suis pas ivre ou droguée. Pourtant, je ne consomme ni drogue ni alcool.
JDRE - Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de votre témoignage?
Cathy - Mon souhait le plus cher serait que, d'ici 10 ans, on puisse arrêter de priver les enfants autochtones de leurs parents et de leur culture. Je souhaite aussi que les gens aient le courage de parler à une personne autochtone et de leur demander de leur raconter l’histoire de leur vie. Ou même d’être ouvert à ce genre de partage avec qui que ce soit, peu importe ses racines. Tout le monde a une histoire à raconter. Je crois qu'en général l’ouverture d’une discussion promeut l'empathie.